Saeed Roustaee continue son exploration
de la société iranienne (après La
loi de Téhéran, sur la naissance de la mafia
en Iran), et son constat n'est pas reluisant. Ici, c'est le (dys)fonctionnement
d'une famille qui sert de révélateur de tout un système
financier, religieux, social d'une absurdité redoutable.
Le récit choral cherche à présenter tous les
personnages très vite et tous en même temps. C'est
la faiblesse du film, ce début chaotique et inutilement confus.
N'est pas Innaritu qui veut. Puis lorsque les choses sont installées,
que les enjeux sont posés et que les intrigues se développent,
le destin de Leila, de ses frères et de ses parents (de son
père, surtout) a de quoi vous scotcher au fauteuil. Comme
dans toute famille, il y a des petits et gros mensonges, des dissimulations,
des secrets, les personnages ont des faces sombres inattendues,
il s'échange quelques horreurs, quelques phrases définitives,
et cela fait parfois penser aux comédies italiennes des années
70, ou aux mélodrames frisant l'hystérie de Pialat
ou Doillon. Sauf que nous sommes pas dans le mélange de trivialité
et de morale bien-pensante de la société occidentale,
nous sommes en Orient, et même si certains codes nous échappent,
on saisit (ou on croit saisir) ce qui a trait à l'honneur,
aux traditions, à une certaine élégance, puis
à l'immonde… L'histoire est censée se passer
il y a environ une vingtaine d'années, lorsque l'état
islamique n'avait pas encore imposé des règles de
vie aussi radicales pour les femmes, mais l'on peut comprendre sur
quel terreau celles-ci ont pu prendre.
Le cinéma iranien n'en finit pas de surprendre, de par sa
qualité formelle (il y a ici une densité et une qualité
de jeu exceptionnelles) mais aussi de par sa capacité à
montrer la société dans laquelle il prend naissance,
dans toute son absurdité et ses archaïsmes.