Vincent Lindon est à notre
époque ce qu'était sans doute Gabin, ou Lino Ventura…
Il endosse de film en film l'image de l'homme préoccupé
de la marche du monde, effaré de ce qu'il devient, luttant
avec ses moyens, qu'il soit chef d'entreprise ou simple employé…
On le voit au travail, Lindon au travail, c'est une figure presque
imposée de tous les films où il trimballe sa carcasse
et sa démarche, reconnaissable à deux cents mères
de dos. Un homme qui porte le poids de la société,
mais qui avance. Un homme responsable, ayant des valeurs humaines
de partage, de respect. Il assume avec une force qui vient de loin,
avec naïveté aussi parfois. Ici, il est père
de deux fils déjà grands qu'il élève
seul, et l'un d'eux donne à sa vie une direction qu'il réprouve,
et avec lui tous les spectateurs qui viennent voir le film. On ne
peut qu'être avec lui. Il n'y a pas d'ambiguïté,
pas d'alternative. Ce que fait son fils est condamnable, sans pardon
possible. Les raisons de ce glissement vers le mal ne sont pas exposées
mais on les comprend à demi-mot, il est question d'un manque
de reconnaissance, d'un échec social et plus encore d'une
récupération de ces êtres en perdition par des
groupuscules qui prêchent l'innommable et l'absurde. Mais
là n'est pas le sujet, au final. Ou bien juste un sujet parmi
d'autres. Le personnage joué par Lindon (ce pourrait être
lui-même, comme dans la plupart de ses films) est confronté
à l'un des maux de notre époque, et le spectateur
est convié à observer comment peut-on surmonter cela,
réagir, se révolter, errer, désespérer
ou continuer à vivre. Certains des rôles de Lindon
ont contribué à faire bouger les choses (Welcome),
d'autres pas. Dans le cas de Jouer avec le feu, la vermine
dont on parle est déjà à l'œuvre depuis
longtemps, le mérite du film est qu'il tente de réveiller
des consciences. Un goutte dans un océan noir. C'est au moins
ça.