Il y a le Ken Loach facétieux
et léger, celui de "Looking
for Eric" ou de "la
part des anges", et il y a le Ken Loach grave et sentencieux,
celui de "Le
vent se lève" et de ce "Jimmy's Hall".
Il n'est pas certain, au final, que les films qui paraissent les
plus lourds soient les plus engagés, les plus politiques,
les plus épris de liberté. Il y a bien plus d'incorrection,
de refus de l'ordre établi, de jouissance du désaccord
dans l'équipée des buveurs de whisky décrite
dans "la part des anges" que dans ce personnage de Jimmy,
certes rebelle face aux puissants avec son dancing (une sorte de
centre culturel avant l'heure), mais filmé comme une icône,
inattaquable, sans défauts, droit, courageux et beau…
Le film est dans cet esprit, très élégant,
photographie impeccable, des paysages magnifiques, avec un héros
pris pour cible d'un côté par l'Eglise, conventionnelle
et rétrograde, et de l'autre par quelques richissimes propriétaires
fascisants… Comment ne pas être avec ce Jimmy ? Impossible
de résister à son aura et aux idées qu'il défend.
Une scène met en parallèle d'une part le discours
haineux du curé local attaquant le dancing, le repère
du diable (en gros, c'est ce qu'il dit) et d'autre part des images
du dit dancing, où l'on voit des familles, tous âges
confondus, s'y amuser paisiblement, dans une ambiance très
bon enfant… C'est très démonstratif, sans ambiguïtés,
et ça ne pose aucune question. On sait où est le mal,
où est le bien. On ne peut qu'adhérer, mais on se
sent piégé.
Il y a aussi des failles et des maladresses dans le récit,
quelques flashbacks particulièrement lourds pour montrer
l'origine du dancing, dix années auparavant, des dialogues
entre deux personnages montrant deux mouvances dans l'Eglise qui
s'opposent sans que l'on comprenne sur quoi reposent les deux parties
qui s'affrontent, et des explications simplistes sur les raisons
qui poussent toute une communauté à reprendre en main
le dancing… Et on pourra aussi éviter de trop évoquer
l'histoire d'amour impossible, censée apporter un peu de
romantisme à tout cela… et finalement versant dans
le pathos et frisant le ridicule.