Les invisibles, ce sont
cette fois-ci (ce ne sont pas les premières, il y avait aussi…
eux, rien à voir, mais terriblement émouvants
aussi) des femmes sans domicile fixe, comme on dit. Des exclues,
virées du monde parce que sans boulot, sans famille, survivant
au jour le jour. Ce n'est pas un documentaire, mais les personnages
des femmes SDF sont joués par des femmes SDF. Elles ne feintent
pas, ou alors très peu. Elles ont l'allure, le phrasé,
les poches sous les yeux et les jambes lourdes de ces femmes que
l'on peut croiser sur un trottoir, dans le métro, qui font
la manche, ou pas, et qui le soir ne savent pas toujours (pas souvent,
plutôt) où dormir. En face d'elles, quatre comédiennes
investies de façon formidable, qui n'ont sans doute pas beaucoup
réfléchi à leur plan de carrière avant
d'accepter ces rôles, et qui rendent hommage à celles
qu'elles incarnent, des travailleuses invisibles elles aussi, sans
doute payées au lance-pierre, et qui tentent avec les faibles
moyens qu'elles ont de subvenir à quelques besoins matériels
des femmes SDF, mais surtout de leur apporter une part d'Humanité,
une chaleur, une attention. Au risque de négliger leur propre
vie, sentimentale, familiale, sociale… Il y a de quoi applaudir,
parce que les comédiennes (les professionnelles comme les
autres) sont à la fois drôles (terriblement drôles,
même) et touchantes, complètement crédibles.
Il y a aussi de quoi s'indigner face à l'indifférence
des pouvoirs publics, face justement à cette invisibilité,
plus inquiétante encore chez les femmes. Le film a le très
grand mérite d'aborder son sujet avec sérieux et humour,
de séduire le spectateur avec une intrigue un peu loufoque
pour mieux lui faire passer un message fort. De l'information sans
la culpabilisation. Un Ken Loach avec un parfum de comédie
italienne.