Le film aurait pu s'appeler Un
autre monde, sorti presque au même moment. Mais celui-ci
serait celui de l'enfance. Des peurs, des rêves, de la découverte
de soi. De l'innocence, aussi ? Certainement pas. L'innocence de
l'enfance est un leurre, un mensonge, une couverture. Les enfants
sont cruels, méchants, intolérants, avides de pouvoir,
courageux seulement lorsqu'il s'agit de braver des interdits. Quand
on quitte l'enfance, tout cela ne disparaît pas, c'est juste
que l'on apprend à dissimuler notre vraie nature. Et sans
doute perd-on aussi à cette occasion une grande partie de
notre imaginaire et de nos pouvoirs magiques. Le film ne va pas
jusque là, il se contente de la période (dés)enchantée
que l'on traverse entre 6 et 12 ans, les protagonistes ne sont pas
des adolescents, juste des enfants, et au delà du surnaturel,
ils sont très justes, ne disent pas bonjour ou merci. Ils
jouent, ils pleurent, ils rient, ils parlent, mais ils ne sont jamais
dans les conventions. Ce qui se passe, se noue entre eux, c'est
d'abord des regards, de l'écoute (qui a dit que les enfants
n'écoutaient pas ? ils écoutent ce qu'ils veulent
et restent sourds à tout le reste), de l'étonnement
puis de la terreur, pure. La terreur que l'on ressent, la terreur
que l'on inspire. Il y a quelque chose du village des damnés,
ou des récits de Stephen King, et même de la guerre
des boutons, dans cette chronique d'un été quelque
part dans le nord de l'Europe, où les adultes ne comprennent
rien à ce qui se passe, et ne voient rien ou font semblant
de ne rien voir, parce que ça les arrange, parce que l'Enfance
est un terrain trop dangereux pour eux. Le film est loin d'être
une œuvre d'épouvante de plus, il est une incursion
virtuose dans un autre monde qui nous est à la fois très
proche et terriblement lointain.