Comment se fait-il qu'avec tant
de belles qualités, ce film ne fonctionne pas ? L'histoire
racontée est pourtant formidable, elle présente l'Ouest
américain sous un nouveau jour, battant en brèche
quelques clichés du western et au final en conservant l'essentiel
non sans les avoir revisités. Comme dans "Trois
enterrements", une autre œuvre de Tommy Lee Jones,
le récit raconte un périple improbable, un road-movie
d'un autre âge qui représente un tournant majeur dans
l'existence des protagonistes. La femme est loin de n'être
qu'un faire-valoir, le personnage de Mary Bee a quelque chose de
très contemporain, solitaire et indépendante et malgré
cela désirant rencontrer quelqu'un qui partagerait sa vie.
Elle ne parle pas d'amour, ne sait pas ce qu'est le désir,
peut à la fois se montrer très pragmatique et faire
des folies parce qu'elle ne veut pas renoncer à ses valeurs.
Forte et fragile, c'est une héroïne moderne, à
tel point rigide qu'elle en est parfois comique, mais aussi tragique,
son destin en surprendra plus d'un…
L'homme qui l'accompagne est, sous un abord peu traditionnel, un
peu plus proche des habituels cowboys à qui on ne la fait
pas. Bougon, plein d'expérience, faisant cohabiter une douce
folie et un fort instinct de survie, c'est bien sur lui que repose
la réussite (ou pas) de l'entreprise, tandis que le personnage
féminin représente l'Humanité, la bonté,
la générosité…
Les paysages traversés ont toute la grandeur attendue, les
péripéties aussi : les Indiens ; l'immensité
du Désert, brûlant le jour et glacial la nuit ; les
(très) mauvaises rencontres ; tout est là, avec à
chaque fois une volonté de prendre à rebours l'idée
préconçue que le spectateur pourrait s'en faire.
Mais quelque chose reste au niveau de l'intention, comme s'il manquait
l'essentiel, ou des presque rien qui donneraient du rythme à
l'ensemble, ou peut-être aussi une absence de liant entre
les différentes scènes, ou bien encore une façon
de filmer un peu plate, sans grandeur (n'est pas Clint Eastwood
ou Sergio Leone qui veut) et sans décalage non plus : là
où Tarantino dynamitait avec un humour cruel les codes du
western dans "Django",
Tommy Lee Jones n'apporte qu'une poignée de clins d'œil
goguenards qui ne parviennent qu'à décrédibiliser
le sérieux de l'entreprise.
Quant aux "folles" conduites par le couple vedette, elles
sont proches du ridicule, pas moyen d'y croire une seconde. Ce sont
des vraies caricatures, éructant ou se terrant dans le mutisme
: le jeu des actrices paraît assez grossier, et même
si elles sont réduites le plus souvent à l'état
d'objets que l'on déplace, cette faiblesse est bien gênante.
Au final, la déception l'emporte, malgré les belles
intentions…