Sans doute faut-il être (un
peu) préparé pour voir "la guerre est déclarée",
car on n'en sort pas indemne. La guerre fait des victimes, et si on
rit parfois, on pleure aussi, on a la gorge nouée, on souffre,
on tombe, on se relève, on est si près des personnages
qu'on est parfois eux-mêmes. Les moyens utilisés par
la réalisatrice pour arriver à cette osmose avec les
spectateurs frôlent parfois l'indécence, avec une utilisation
de la musique qui ne peut que déclencher l'émotion.
L'Hiver de Vivaldi accompagne une très longue séquence
où la maladie de l'enfant est mise à jour : ce n'est
plus seulement la déclaration de guerre, c'est un déluge
d'impressions fortes qui terrasse, qui anéantit, qui engloutit.
Le thème (la maladie d'un tout petit enfant et l'amour que
partage ses parents) aurait pu n'être que le prétexte
de scène lacrymales et au bout du compte, insupportables pour
beaucoup. Mais Valérie Donzelli n'oublie pas de faire un objet
artistique, sans cesse en mouvement, drôle parfois, inventif
dans chaque scène, créant des contrastes violents, jouant
sur la lumière, le son, mais aussi sur des tons très
différents : se succèdent des scènes de comédie
sur-jouée, de tragédie sans retenue, d'intimité
toute naturelle, d'explications presque documentaires…
L'aspect très autobiographique (on retrouve même à
la fin, en tant qu'acteur, l'enfant du couple des acteurs) peut gêner,
par son côté parfaitement impudique. Il peut aussi séduire,
et donner à l'ensemble une vérité criante, malgré
tout ce qui permet de mettre un peu de distance, l'humour, les couleurs,
le rire…
Selon sa propre expérience, selon son vécu, sa sensibilité,
le spectateur sera détruit ou illuminé, le temps pour
retrouver un état normal à l'issue de la projection
n'est pas garanti. C'est incontestablement du cinéma qui crée
de la lumière à partir d'un matériau très
sombre, comme dans "Rabbit
Hole", ou dans "le
scaphandre et le papillon"…