La perte d’un enfant pour
des parents, c’est le sujet bouleversant par essence, il peut
même être dévastateur, en fonction du traitement
et de la façon dont on montre l’absence de remèdes
à la douleur.
En fonction de sa propre histoire, le spectateur est plus ou moins
touché, plus ou moins sensible aux qualités de mise
en scène et de jeux des acteurs (que l’on perçoit
si l’on parvient à se détacher du récit,
ne serait-ce qu’un peu…), mais l’indifférence
face au film serait inhumaine. Dans ce "Rabbit Hole", tout
semble parfait, d’une justesse de jeu proprement stupéfiante.
Dans les rapports entre les personnages, que ce soient le père
et la mère, ou la femme et sa propre mère, ou bien encore
l’homme et une autre femme ayant perdu un enfant, tout est montré
sans concessions, avec une finesse d’observation presque cruelle.
Les situations auxquelles sont confrontés les deux parents
sont peut-être attendues, n’échappant pas aux clichés,
mais c’est la façon dont elles sont traitées qui
provoque l’émotion : pas de pathos, pas de scène
fabriquée pour que tout le monde pleure au même moment,
simplement une alternance naturelle de découragements, de lassitudes
extrêmes, de tentatives pour s’ouvrir à nouveau
aux autres et de colères pas toujours contenues. Oui, tout
est parfait, absolument maîtrisé, il n’y a rien
à reprocher, et c’est bien cette volonté de ne
pas en faire un mélo larmoyant qui force l’admiration
et crée des émotions propres à chacun. Certains
y verront peut-être un soupçon de froideur dans ce refus
d’en faire trop. Il n’empêche, de nombreuses images
de ce couple défait mais pas détruit restent en mémoire,
comme ces deux mains qui se serrent, bien après que tout le
monde soit parti, le regard perdu mais pas tout à fait. L’interprétation
que l’on en fait est bien différente selon son expérience,
c’est le signe d’une grande richesse émotionnelle.