Une dizaine de quarantenaires,
tous de type masculin, lâchés dans la nature, allant
où le vent les pousse, carburant à la bière
et à la cocaïne et ne sachant absolument pas quand ils
vont rentrer chez eux pour retrouver leurs familles, qu’est-ce
que ça donne ? C’est drôle ? Ça donne
envie de partir pour faire soi-même son grand tour ?
On en sort avec une impression mitigée, étonné
par ce qu’on vient de voir mais pas emballé…
Filmé comme un documentaire, avec les vraies-fausses interviews
des personnages-acteurs revenant sur leur aventure, la commentant
avec du recul. Ces mêmes acteurs se confondent avec leurs
personnages, ils font partie, dans la vie comme dans le film, d’une
fanfare (comment dire, la fanfare… nulle ?). Ils portent leurs
propres noms et ont probablement gardé leurs caractères
et la nature de leurs relations. Le grand tour, c’est peut-être
ce qu’ils auraient pu ou voulu vivre mais qu’ils n’ont
jamais réalisé. Sauf que le film est là…
Cet aspect de documentaire pour de faux mais qui sonne tellement
vrai est une des originalités fortes du film et dans le même
temps, une limite qui empêche souvent le récit de vraiment
s’envoler.
Tout le début, jusqu’à une bonne moitié,
fait écarquiller les yeux devant ce grand délire,
cette somme de transgressions, d’actes régressifs sans
qu’il y ait véritablement de provocation. C’est
une bande d’allumés, ivres bien souvent, qui lâchent
les amarres en suivant Vincent, qui joue le rôle de chef,
de gourou, de maître spirituel, semblant donner un sens à
leur épopée.
Et puis, pas tout à fait d’un coup, plutôt par
paliers, le délire se teinte d’amertume, vire à
l’aigre, et pour certains, le constat est cruel. Le grand
tour a pesé sur leurs vies, la parenthèse a été
trop longue pour ne pas avoir de conséquences dévastatrices
sur ce qui faisait leur confort matériel, social et familial…
mais ce n’est même pas cela qui les fait revenir à
la réalité. Vincent, leur leader, est peu à
peu devenu moins drôle, de plus en plus détaché,
passé dans une autre dimension. La majorité de ceux
qui le suivaient se rendent compte alors qu’ils finissent
par tourner en rond, sans objectif (même éphémère).
La quête est sans doute plus importante que le but, c’est
certain, mais à ce point… L’ensemble finit par
ressembler à une sorte de "Into
the wild" collectif et parodique : au lieu de briser les
chaines, tous s’enferment dans un tour minuscule et centré
sur eux-mêmes. Le salut ne vient que dans la fuite, et certains
y parviennent, trouvant un nouveau point de départ.
Troublant, quand même…