Ah, sacré Godzilla ! Monstruosité
nucléaire, fantasme éternel de la Renaissance après
le Chaos, preuve de l'impuissance de l'Homme face à la puissance
de la Nature, mais aussi gros machin genre dinosaure qui casse tout
plein de jolies maquettes (dans les années 50) ou bien des
immeubles super modernes 100% numériques (de nos jours).
Les deux aspects du monstre font vendre, attirent les foules, et
le spectateur avide d'effets spéciaux destructeurs croise
dans la même salle de cinéma l'écolo qui ne
jure que par la décroissance.
Il y a dans cette version signée par le réalisateur
du magnifique "Monsters",
quelques scènes sublimes, comme la plongée des soldats
au-dessus de la ville en feu, ou la bataille finale entre Godzilla
et les deux autres monstres dans la pénombre : le travail
sur la lumière est incroyable, c'est formidablement pictural,
et ça fait dresser les poils.
Le problème, c'est qu'entre ces quelques trop rares scènes
très puissantes, il faut accepter des personnages falots,
représentant sans nuances le bon Américain, qu'il
soit guerrier (l'Armée est pleine de braves types), scientifique
(tous des apprentis-sorciers inconscients sauf celui qui a tout
compris avant tout le monde, bien sûr), ou bonne mère
(et infirmière dévouée, évidemment).
Ces clichés sur pattes sont sans aucun souci intégrés
à une histoire très, très bas de plafond, sans
ambiguïtés, dont les zones d'ombre ne sont sans doute
pas voulues et résultent probablement de la volonté
de ne pas faire trop long, quitte à créer quelques
aberrations dans le récit, tout en faisant le maximum de
boucan et de pulvérisation de gratte-ciels. Pour peu que
l'on puisse accepter cette grande faiblesse scénaristique,
le film n'est pas désagréable, et il révèle
quelques bijoux visuels.