Faut-il en rire, faut-il en pleurer
? Ce qui est certain, c'est que l'humour est tellement acide, à
tendance grandement désespérée, que ce rire
qui pourrait être libérateur, se retrouve compressé,
comme empêché par tant de misère humaine et
sociale. Pour qui a vu quelques films roumains de ces dix dernières
années, de La
mort de Dante Lazarescu à Sieranevada,
il semble que les réalisateurs de ce film bulgare s'en soient
fortement inspirés, à moins que les situations politiques
et sociales de ces deux pays n'aient quelque chose en commun ? Il
y a de quoi franchement halluciner devant cet échec, non,
la chute du rideau de fer en Europe de l'Est n'a pas apporté
le bonheur de vivre. Bien au contraire. Le film montre un individualisme
effroyable, une aigreur de tous les personnages, une absence d'amour
(dans un sens large, pas le sentiment amoureux, non, juste un peu
de solidarité, un peu d'intérêt des uns pour
les autres…), un constat de malheur généralisé.
Tout cela serait profondément sombre si le scénario
et la mise en scène n'apportaient pas, par bribes, quelques
notes si absurdes qu'elles en deviennent potentiellement drôles.
Pas drôles à se tordre, juste à esquisser un
semblant de sourire, juste pour s'empêcher de pleurer. Le
rire bulgare n'est ici pas très loin de la tragédie,
les différentes humiliations que subissent tous les personnages
se rapprochent parfois de la farce mais peuvent aussi être
vécues par le spectateur pour ce qu'elles sont : des traumatismes,
des destructions en règle de personnages. C'est cruel, noir,
formidablement bien joué, étouffant, totalement désillusionné.