Sieranevada *

Cristi Puiu

L'histoire

Quelque part à Bucarest, quarante jours après la mort de son père, Lary - 40 ans, docteur en médecine - va passer son samedi au sein de la famille réunie à l'occasion de la commémoration du défunt. L'évènement, pourtant, ne se déroule pas comme prévu. Les débats sont vifs, les avis divergent.

Avec

Mimi Branescu, Judith State, Bogdan Dumitrache, Dana Dogaru, Sorin Medeleni, Ana Ciontea, Rolando Matsangos, Catalina Moga, Marin Grigore, Tatiana Iekel

Sorti

le 3 août 2016


La fiche allociné

 

 

La critique d'al 1

Concentré d'Humanité

 

Toute une famille se réunit pour la commémoration rituelle après la mort du père, dans un petit appartement à Bucarest… Un film français sur ce sujet, tourné par Sautet, ou par Chéreau, mettrait les personnages aux prises avec leurs fantômes, il y aurait des engueulades, des réconciliations, des secrets dévoilés… Mais ce n'est pas un Sautet, ni un Chéreau. Il y a bien des affrontements, des révélations, des choses imprévues, mais c'est clairement un film roumain, et s'il n'y a pas véritablement d'école roumaine cinématographiquement parlant, il y a bien un style roumain, commun à quelques réalisateurs, dont Puiu fait partie.
La vision de ce film est à la fois une épreuve pour le spectateur, et une expérience passionnante. La durée du film (presque trois heures), les très longs plans séquences, l'accumulation des scènes où l'on a l'impression qu'il ne se passe rien (seulement l'impression) concourent à tester la résistance du spectateur : il lui faut être attentif, rien n'est mâché, on est loin d'un cinéma confortable où tout lui serait expliqué… et dans le même temps, pour les mêmes raisons, par la grâce des mêmes procédés techniques, c'est un trésor d'intentions qui se révèle. C'est un ballet de portes qui s'ouvrent et se ferment, des personnages qui passent et repassent, échangeant parfois de façon succincte, puis se lançant dans un dialogue (diatribe parfois, drôle ou féroce, anecdotique ou crucial…) d'une dizaine de minutes. C'est exactement comme dans la vie, et certains peuvent donc être rebutés par cette forme de fiction, et pour d'autres, parce que justement la vie telle qu'elle est n'est jamais montrée au cinéma tout à fait dans sa vérité cruelle, décevante, déstabilisante, effarante, réjouissante…, ce récit-là est complètement sidérant, allant jusqu'à une sensation d'hypnotisme. Ces gens-là, sur l'écran, sont des acteurs, vraiment ? Les blancs dans les conversations, les regards vides, les paroles qui se superposent, les tableaux vivants que forment les personnages vus sous des angles incomplets, tout pourrait passer pour de l'approximation, alors que tout est millimétré, détaillé à l'extrême.
Cette mise en scène d'une subtilité formidable est au service d'une histoire, celle d'une famille bien vivante, déchirée, recomposée, endeuillée, écartelée par l'Histoire de la Roumanie, dont les membres s'affrontent, s'aiment, se détestent, se supportent un temps puis plus du tout, finissent par partager quelque chose, quelques minutes de complicité, des bribes de souvenirs. Les mots filent, pour ne rien dire, et puis une phrase tranche, jetant un silence, ou bien n'est relevée que quelques minutes après. Rien n'est pardonné tout à fait, rien n'est définitif, on laisse la famille au bord du gouffre, à peu près au même endroit qu'au début, mais personne n'est tombé…
Splendeur absolument pas spectaculaire, c'est une œuvre en forme de patchwork pathétique qui parle de l'Humanité avec un langage unique.

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