Le début fait craindre
le pire, avec Zabou Breitman qui s'extasie devant une série
de photos de famille trouvées dans une brocante. Et si on
faisait une enquête pour trouver d'où viennent ces
photos, et si on faisait en parallèle un film de fiction,
une façon de réinventer la vie des gens à partir
de rien, d'un regard, de quelques annotations au dos des photos…
L'idée est casse-gueule, trop fabriquée, conceptuelle,
et le mélange des genres (l'enquête d'un côté,
la fiction de l'autre) plutôt douteux.
Un peu plus d'une heure et demi plus tard, le générique
défile et l'émotion est là, au mépris
des apriori, à contre courant de tout ce qu'on pouvait penser
lors des premières minutes du film. Et d'ailleurs, ces premières
minutes, qui semblent trop légères, anecdotiques,
ne sont-elles pas apposées pour justement perdre un peu le
spectateur, le mettre dans un léger état d'agacement
? On comprend au fil des minutes qui défilent que tout aurait
pu être monté d'une façon différente,
que tout est réalité ou imaginaire, mensonge ou fantasme…
Mais la caméra pour l'aspect documentaire est assumée.
Elle n'est pas un regard volé ou qui s'efface, les protagonistes
ne l'ignorent pas, ils ne font pas comme si elle n'existait pas,
au contraire d'un docu-fiction récent qui a son petit succès
(A bicyclette),
et cela change beaucoup de choses. Le film, double film, oscille
entre l'enquête à tiroirs au début décevante,
et la fiction plutôt maligne, réaliste, mélancolique,
crédible et puis moins, quoique… Au final, c'est l'aspect
documentaire qui l'emporte, avec des personnages qui n'en sont pas
(puisqu'ils sont réels), bouleversants, en particulier un
homme en chemise blanche, affalé sur un canapé, parlant
d'un autre avec une fêlure dans la voix, cet homme-là
est un personnage de cinéma, malgré tout. C'est terrible
ce qu'il dit, c'est terrible ce qu'il fait passer. On se dit là
que les deux réalisateurs ont réussi leur coup. La
vie de chacun est une histoire qui mérite d'être contée.
Peut-être un peu trop malin, peut-être un peu trop fabriqué,
ce film-là parvient cependant à emporter, à
vous mettre dans un état second. Merde alors, c'est du cinéma
!