Il n'y a pas, ici, un discours
militant ou désespéré ou révolté
sur la condition paysanne, comme dans Petit
paysan. Mais ce n'est pas non plus une vision béate
d'une campagne idéalisée, ni une incitation à
promouvoir une agriculture différente ou qui au moins se
démarquerait des méthodes traditionnelles. Il s'agit
d'un documentaire centré sur une famille d'agriculteurs banale,
de nos jours (2022) et 25 ans plus tôt (le réalisateur
avait tourné son premier film dans cette ferme en 1997).
La parole leur est donnée, et plus encore que les gestes
professionnels ou l'évolution des machines, ce sont bien
les mots de ces hommes et femmes qui en disent long sur la condition
paysanne. Ce n'est pas misérabiliste, ni revendicatif. C'est
un constat économique et humain sur ce qu'est un paysan dans
la France d'aujourd'hui.
L'exploitation des Bertrand est consacrée à l'élevage,
et pour que cela soit économiquement viable, c'est un boulot
incroyablement chronophage, certainement bien plus que bon nombre
de métiers citadins, avec un revenu très faible. Ce
que disent les Bertrand de leur vie est nuancé, et ils n'ont
pas tous les mêmes sentiments sur les réussites et
les échecs de leur vie. Le réalisateur a l'art de
rendre leurs réflexions très compréhensibles,
sans simplifier pour autant.
A l'heure où le métier d'agriculteur est sous les
feux de l'actualité, ce documentaire montre, sans polémique
ni parti-pris, combien il est difficile de vivre de cette profession.
L'agriculture est ce qui nous nourrit, la mondialisation et le capitalisme
font que des milliers de fermes disparaissent chaque année
(en France, 100 000 fermes de moins en 10 ans). La classe politique
actuelle, de plus en plus urbaine et déconnectée des
réalités, ne fait rien pour enrayer ce phénomène.