Bien sûr il y a le visage
de Charlotte Gainsbourg, renversant, sourire mélancolique,
éclairé par une lumière dorée de fin
de journée. Bien sûr il y a Marion Cotillard qui danse
sur du Bob Dylan. Bien sûr il y a l'exubérance d' Hippolyte
Girardot, cheveux bouclés, drôle en cible involontaire
au cours d'une scène de vraie folie. Bien sûr il y
a la gaucherie calculée de Louis Garrel face à Alba
Rohrwacher lors d'une jolie scène de séduction décalée.
Bien sûr il y a des transitions surprenantes, des petites
bulles de bonheur, des mouvements de caméra hitchcockiens
(la première apparition de Carlotta, par exemple)…
Mais tout cela ressemble à du patchwork, et la première
question en sortant du cinéma, c'est pourquoi tant de complications
pour une histoire finalement assez simple : un réalisateur
tourne un film, et le retour de sa femme, disparue depuis plus de
vingt ans, sème le trouble. C'est tout. Et pour meubler ce
squelette de scénario, Desplechin accumule les références
et les auto-citations (Dedalus, Ismaël dans Rois et reine,
la nudité de Cotillard dans Comment je me suis disputé,
Roubaix…). Son personnage principal cinéaste révèle
tout de même un auto centrisme plutôt pathétique,
Amalric et Laszlo Szabo sont rapidement insupportables en geignards
hystériques, le film dans le film (une sorte de machin d'espionnage)
n'a aucun intérêt si ce n'est de faire une liaison
avec d'autres films de Desplechin, le dévissage du récit
dans l'avant dernière partie fait naître des rires
nerveux et gênés… c'est quoi ce grand n'importe
quoi ?
On est fort loin de la rigueur inventive de Rois et reine
ou du Conte de Noël,
et on a la désagréable impression que Desplechin brouille
les pistes pour masquer sa panne d'inspiration, en multipliant inutilement
les intrigues (Le foisonnement du Conte de Noël était
d'une richesse infinie, au contraire du fouillis de ces pseudos
fantômes) et en se payant le luxe de laisser sortir deux versions
du même film, l'une pour le grand public et l'autre pour les
admirateurs du maître ? Si ce n'est pas un caprice de prétentieux...