Passionnant, foisonnant, tour à
tour austère ou spectaculaire, le film de Pierre Schoeller
pose dès son titre une énigme : on sait qu'il est question
d'un ministre, du pouvoir qu'il exerce. On s'attend donc à
ce qu'après "l'exercice…", il y ait "du
pouvoir". D'ailleurs, nombreux sont les spectateurs potentiels
à en parler de cette façon-là. Or, le titre est
bien "l'exercice de l'état", et non du pouvoir.
Le prologue, déroutant, très surprenant, peut faire
croire que l'on s'est trompé de salle. N'est-on pas venu voir
un film politique ? Que fait cette femme nue en face d'un crocodile
? A l'issue de la projection, une évidence s'impose, et c'est
bien la seule, le monde politique est d'une complexité insoupçonnée,
et celle-ci est souvent très mal rendue par les journalistes…
Il n'y a pas ici des bons et de méchants, des vertueux et des
traîtres, des individus à l'intelligence brillante et
des abrutis. Le gouvernement fictif dont fait partie le ministre est
clairement de droite, bien que ce ne soit jamais exprimé, mais
quelques-uns de ses membres défendent des idées et des
valeurs traditionnellement de gauche. Du couple formé par le
ministre et son directeur de cabinet transpire une drôle d'ambiguïté,
où il est question d'amitié, d'engagement, d'arrangement
avec la réalité, de convictions profondes qui peuvent
se dissoudre dans les ambitions personnelles. Michel Blanc est formidable,
incarnant un personnage de l'ombre qui ne semble jamais sortir du
ministère (lorsqu'il se retrouve dehors, c'est l'essoufflement
qui le terrasse…) mais celui qui imprime durablement son personnage
dans les mémoires, c'est bien Olivier Gourmet, une nouvelle
fois énorme, géant bancal, monstre terriblement émouvant.