C'est le film à double
effet.
Le premier intervient
dans l'immédiateté, pendant la projection, il dure
un peu à la sortie de la salle de cinéma. C'est l'impression
d'avoir pris des coups de poing, des coups au cœur, comme si
l'on venait de voir un film aussi marquant que le fut "La Haine"
en son temps. L'énergie qui s'en dégage est impressionnante,
portée essentiellement par les trois actrices principales,
tout en tensions et en connivences. C'est drôle, tragique,
désespérant, le récit semble inéluctable,
plausible, ne caresse pas dans le sens du poil. Le personnage principal,
une jeune fille ayant décroché de tout parcours scolaire,
est à la fois exaspérant et terriblement attachant.
Il est le symbole probablement d'une génération sacrifiée
(et peut-être de plusieurs générations), la
preuve de l'échec des politiques en direction de la jeunesse,
des banlieues, des populations exclues, sans parler du chômage…
Le danseur qui représente la possibilité de réussite
est, toujours dans ce premier effet, un contrepoint intéressant
à cet univers fermé (mais pas morose). Il montre qu'une
ouverture à la culture, à l'expression, à la
créativité, est indispensable, plus particulièrement
dans ce contexte.
Puis vient le deuxième effet. Cette première scène,
par exemple, qui montre une professeure dépassée par
la colère à la fois légitime et excessive d'une
de ses élèves… cette scène qui semblait
tellement bien jouée et formidable, pleine de sens, n'est-elle
pas, réflexion faite, un copier-coller à peu de choses
près de ce qu'on a pu voir il y a quelques années
dans "entre les murs", avec en plus, une certaine démesure
émotionnelle et légèrement démagogique,
une façon d'assommer le spectateur d'entrée, pour
qu'il ne puisse plus avoir de recul, pour qu'il soit noyé
dans cette pulsion en continu ? Après analyse, les personnages
et les grandes lignes du scénario ne résistent pas
longtemps : ce sont des clichés pur jus. Non pas qu'il n'y
ait pas de vérité dans les clichés, mais l'ensemble
donne l'impression d'un catalogue de toutes les idées reçues
sur les banlieues, la plupart d'entre elles certainement fondées,
mais l'empilage est préjudiciable, l'échec scolaire,
la tchate, le deal de drogue, les mosquées souterraines,
les parents dépassés et impuissants, le rapport homme-femme
tordu (les scènes de violence envers l'héroïne
étaient-elles tout à fait nécessaires ? la
deuxième est plutôt malsaine, puisqu'on a pris le soin
d'habiller la jeune fille avec une robe sexy…), les voitures
brûlées, les pompiers empêchés d'intervenir…
Cerise sur le gâteau, la réussite du danseur montre,
au final, qu'on ne peut s'en sortir qu'avec un talent particulier,
réservé à une toute petite minorité.
Cela aurait pu être le sport (basket ou foot), ici c'est la
danse. En essayant d'éviter le cliché, on y tombe
encore plus profondément.
Divines, ces jeunes filles le sont, certainement. Elles ont une
soif de vie étonnante et incroyablement courageuse, au vu
de la vie qu'elles mènent et que le système leur fait
subir. Le traitement de cette "divinité" manque
de subtilité, autant dans les personnages que dans le déroulé
du récit. Le film récent de Jacques Audiard, "Dheepan",
montrait une réalité à la fois plus onirique
et plus crédible de la banlieue.