Tout le malheur du monde s'est
concentré sur la personne du personnage joué par Adrien
Brody. Il faut dire que l'acteur a la tête de l'emploi, une
tête de Caliméro anorexique. Professeur remplaçant
dans un lycée avec des élèves tellement mal
élevés qu'ils en deviennent irréels, il doit
s'occuper de son grand-père qui ne le reconnaît pas
toujours, sa mère n'est plus là pour le consoler et
pourtant cela lui aurait fait un bien fou, les images d'enfance
(tendance caméra super 8 amateur) étant idylliques
come il se doit... Pas de petite amie, pas d'ami tout court, son
appartement est blafard comme une chambre d'hôpital, on a
l'impression qu'il vit dans une sorte de monde futuriste, un Brazil
triste où la dépression et le suicide semblent être
les seules façons de créer de l'originalité.
Ce pourrait être un poème du désenchantement,
et le détachement du titre serait alors une autre manière
de dire le recul du personnage par rapport à tout ce qui
lui arrive. Mais c'est à double sens, bien sûr, et
le réalisateur joue avec le terme qui peut aussi désigner
un enseignant détaché de tout poste et faisant fonction
de remplaçant. On n'est plus dans le registre poétique,
on montre alors (ou on essaye de le faire) la réalité
de ce qu'est devenu le métier de professeur dans un lycée
américain en zone sensible. Comme un pendant outre-Atlantique
de l'excellent "Entre
les murs". Sauf que ce dernier était complètement
crédible, et François Bégaudeau dans son (presque)
propre rôle paraissait très humain, au contraire d'Adrien
Brody qui passe pour une sorte d'ange triste mais combatif, surnageant
dans les clichés et les fantasmes pédagogiques (on
se croirait parfois dans un remake trash du Cercle des poètes
disparus...).
La forme n'aide pas à croire à cette histoire, ni
aux situations : trop de musique triste (le piano lent, ça
va deux minutes, ensuite ça ressemble à du procédé
redondant : les images et les dialogues parlent d'eux-mêmes),
trop d'effets de montage et de zoom qui semblent pour la plupart
gratuits... C'est l'agacement qui prédomine au final, face
à ce déluge larmoyant, cafardeux et pourtant spectaculaire.