Entre les murs *

Laurent Cantet

L'histoire

Une année de la vie d'une classe de 4ème dans un collège dit difficile vue à travers les yeux de François, un jeune professeur de français qui aime aller chercher ses élèves là où ça fait mal pour les stimuler.

Avec

François Bégaudeau, Franck Keïta, Esmeralda Ouertani, Rachel Régulier, Wei Huang

Sorti

le 24 septembre 2008

La fiche allociné

 

 

La critique d'al 1

Réel, si réel

 

 

 

 

 


Un café à l’extérieur, une pause, un silence dans le brouhaha, puis la plongée entre les murs, dans l’arène, sur la piste au milieu des fauves qu’il faut amadouer, ou dresser, et parfois aimer… Les murs sont ceux d’un collège, d’une classe. La caméra ne quittera plus jamais le professeur et ses élèves, jamais ne sortira de ces murs. On suit donc le quotidien d’une classe de quatrième en cours de français, dans un collège qu’on appelle pudiquement "difficile". On pourrait dire, plongée en enfer, ou les aventuriers de l’enseignement perdu, tant il est évident qu’il ne s’agit plus d’enseigner un savoir, mais de parvenir à capter l’attention. La vie de ce prof au milieu de ses élèves s’apparente parfois à une épreuve de survie : une parole de trop, ou au contraire une réaction qui tarde, et c’est la glissade verbale, le piège se referme, les pointes acérées des injures fusent, et tout est à recommencer. Les professeurs devant ce constat terrible ne pourront qu’apporter leur soutien, peut-être aigri et acide : enfin un film qui rend compte de la réalité des choses, sans concessions, sans fioritures, avec un sens particulièrement aigu de l’observation. Les parents risquent d’être anéantis et incrédules, comment cela est-il possible ? Oui madame, oui monsieur, dans certains collèges c’est ainsi et parfois bien pire. Les élèves… il n’est pas certain qu’ils soient nombreux à aller voir un film français qui ressemble à un documentaire et où il n’y a pas la moindre poursuite en voiture, ni une seule mort violente. Mais sait-on jamais, Esmeralda l’une des élèves affirme à la fin, preuve orale à l’appui, qu’elle a lu la République de Platon, "l’histoire d’un gars (Sénèque) qui pose des questions à tout le monde sur la vie, l’amour, la religion"
Cet éclair positif dans le film met en exergue la désespérance de l’ensemble, la description de la béance que représente l’échec du système éducatif malgré l’immense volonté des enseignants, leur résistance, leur abnégation. Cet aspect volontairement négatif est probablement la limite du film : tout n’est pas dans la réalité si sombre : il y a des collèges où les choses se passent à peu près correctement, mais il est vrai qu’en un film on ne peut pas traiter toute la complexité du réel.
Si toutes les séquences tournées en classe, avec le face à face enseignant élèves, sont profondément ressenties, intenses, d’une sincérité absolue, il n’en est pas de même dans la salle des profs, où l’on voit plus le jeu des "acteurs", où il y a un peu trop de silences, de décalages d’avec la réalité. On sent les choses arriver, on voit les scènes attendues arriver d’un peu trop loin. Elles apportent néanmoins un contrepoint nécessaire à celles de la salle de classe, et posent de façon claire les questions que l’on peut se poser en voyant les difficultés qu’ont les enseignants à assurer leurs cours : faut-il aller chercher les élèves, même sur le terrain de leur propre culture et de leur vécu, pour avoir une chance de les intéresser, ou bien ne faut-il se concentrer que sur ce que disent les programmes officiels ; en d’autres termes, la vie de la té-ci, ou Voltaire ? De même, au sein de l’établissement scolaire, doit-on appliquer les règles de discipline de façon stricte sans se soucier du vécu extérieur de chaque élève, ou doit-on instaurer une certaine tolérance ? Le film a le grand mérite de ne pas apporter de réponses toutes faites, il se contente de suggérer, par l’intermédiaire du personnage-professeur joué par François Bégaudeau, quelques pistes, une ligne de conduite possible, mais jamais posée comme étant la seule solution : on voit le prof se tromper, se mettre en difficulté, se contredire, douter, changer d’avis, et c’est bien ça qui le rend humain, crédible, attachant…
Loin, très loin des images d’Epinal de la série l’instit, cet "entre les murs" est à ranger aux côtés d’autres œuvres plongeant de façon réaliste dans le monde de l’enseignement : "Ça commence aujourd’hui" de Tavernier, "Etre et avoir" de Nicolas Philibert, "l’esquive" de Kechiche.

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Vos commentaires

Je suis allée voir "Entre les murs" en avant première à la Rochelle, en présence du réalisateur (si, si..) et une salle pleine de profs !
Quand je pense que mes enfants rentrent tout juste dans le cursus scolaire... je me fais du souci pour l'avenir... Mais, non ils ne vont pas ressembler à ça !
J'espère que c'est du Cinéma.... et que dans la "vraie vie", c'est différent !!!
En tout cas, cela parait incroyable qu'une histoire documentaire de ce style ait pu recevoir une palme d'or des mains d'un américain comme Sean Penn.
Le film est particulièrement réussi et n'est pas réservé qu'aux profs, non, non. Tout le monde en prend pour son grade, profs, élèves, parents... Quand on connait l'histoire du film, c'est un beau cadeau pour l'ensemble de ces élèves d'avoir vécu cela.

Elodie N. le 23 septembre 2008

 

Une réflexion sur la méthode d’enseignement, des personnages étonnants ces ados qui ne sont pas des héros de cinéma.
Je n’ai pas aimé ces garçons et ces filles difficiles de cette classe de 4°.
Les élèves de cette classe forment un panel assez représentatif de la société d'aujourd'hui, de ce groupe disparate émergent quelques personnalités plus fortes que les autres, comme c'est le cas dans n'importe quel microcosme.
Entre les murs milite en faveur de l'école publique, laïque et obligatoire, l'enseignement prend l'allure d'une croisade en faveur de l'intégration « c'est la grandeur de ce film de n'imposer aucune certitude, mais d'entrouvrir des portes »

Dominique P. le 29 septembre 2008

 

C'est quoi, ce prof tout mou ? Normal qu'il se fasse bouffer. Faut réagir, s'imposer. Et tant pis s'il intéresse pas tout le monde. Là, il discute, il les fait parler mais il fait pas cours.
Lucie, elle est BELLE ! Mais on la voit pas sur les photos.

Ali B. 9 octobre 2008

 

Je suis content d'avoir vu ce film. Content d'y avoir emmené mon fils (11 ans, entré en 6 ème cette année), content d'avoir pu en parler un peu avec lui après. Évidemment, on a pas dû voir tout à fait le même film. Je me suis mis à la place du prof., il s'est mis à la place des élèves. C'était marrant d'ailleurs de le voir se tortiller sur son siège en attendant la réaction du prof à une réplique insolente ou a une attitude de provocation d'un élève. La réaction à un truc qu'on ne fera pas mais qu'on peut fantasmer ... Comme par exemple dans le dernier Woody Allen, ce type grand, beau, balèze, artiste, qui accoste deux touristes américaines jolies comme tout en leur disant franco "je pourrais vous emmener ce soir à Oviedo (en avion, parce qu'en mob, ça le faisait moins), on irait voir des sculptures magnifiques, on boirait du vin, on mangerait des truc délicieux et on ferait l'amour" ... comme ça, à peine bonjour avant !
Et bien, c'est pareil, un truc qu'on fera pas (enfin pas moi, ou alors dans longtemps, à l'hospice, mais y'aura pas de touristes américaines alors je le ferai auprès de deux vieilles sourdes ... ça sera ridicule !), mais dans lequel on peut se projeter sans risque au ciné, pour voir l'effet que ça fait ...
Bref,
Donc j'ai vraiment aimé ce film. Je le trouve fin dans les contradictions et la complexité de chacun (le dirlo, les profs, les élèves, leurs parents ...). Il n'y a pas de partis pris et donc pas de jugement. Le tableau général paraît globalement un peu désespérant et en même temps pas tant que ça : si "l'institution" éducative paraît inappropriée, il y a plein de petits moments magiques : des moments d'échanges, de pudeur, de dignité, d'humour ... plein de moments rassurants et qui rendent tous les gamins et tous les profs finalement attachants ...

Thierry D. le 12 octobre 2008

 

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