Non, ce n'est pas Monia Chokri
qui donne cette impression (elle est fort loin de son rôle
dans Les amours
imaginaires), ou bien juste un peu, mais il y a bien quelque
chose qui ressemble à du Xavier Dolan dans ce premier film
d'un jeune réalisateur tout droit sorti de la FEMIS. Quelque
chose qui n'a pas à voir avec la virtuosité visuelle
et sonore du canadien, mais plutôt avec sa façon de
traiter la relation humaine, tout sauf une ligne droite. Le film
pourrait s'appeler "J'ai tué mon père"…
Ça brûle, ça cogne, ça vibre, ça
rigole aussi et ça finit par une scène franchement
étonnante : ici, aucun déjà-vu dans cette histoire
simple et complexe qui réunit un père veuf, son fils
adulte et la nouvelle petite amie du père.
Et pourtant… la musique (si on peut dire) est innommable et
elle est au centre du récit. Elle pourrait être un
repoussoir mais la façon dont les concerts sont filmés
montre surtout l'énergie du personnage du fils à ces
instants-là, en complet contraste avec l'abattement qui ressort
des confrontations avec le père ou avec la douceur et l'évidente
complicité qui transpire de la rencontre avec la jeune nouvelle
venue dans le microcosme familial. Les dialogues, concis, rares,
violents ou faussement insignifiants ne prennent pas plus de place
que les échanges de regards, les frôlements de corps,
les sourires, les pleurs… cela ressemble à la vie,
jusque dans ses outrances, jusque dans ses invraisemblances. Kévin
Azaïs fait penser à Duvauchelle, ou bien à Patrick
Dewaere tout jeune. Il a un physique faussement passe-partout, il
pourrait jouer tout un tas de rôles. Il prend ici une dimension
supplémentaire, son personnage en cours de récit s'affranchit
d'une domination, mais l'acteur lui, a franchi un palier, il s'est
épaissi (moralement), il semble prêt pour une grande
carrière. Et Monia Chokri… Oh, Monia Chokri. Dans Les
amours imaginaires, elle était très apprêtée,
une figure presque irréelle dans l'imaginaire de Dolan, là
elle est un véritable personnage, sans chapeau, sans accent,
sans couleurs vives, elle fait battre les cœurs sans artifices,
avec une belle âme.