Il ne se passe rien, ou presque.
C'est juste le quotidien de deux garçons, deux très
jeunes adultes dans un village, qui s'ennuient un peu, qui s'occupent
comme ils peuvent, qui échangent. Il y a de la mélancolie,
une impression de gâchis, une vie de tout petits riens. Et
puis finalement, ces petits riens font un tout, une existence, une
amitié. C'est dérisoire, parfois pathétique,
et terriblement touchant. Parce que ces deux-là ne se ressemblent
pas, parce que leur relation est toxique et qu'ils ne s'en rendent
pas compte et qu'il faut l'irruption d'une fille pour faire voler
en éclats cet équilibre bancal.
Il y a comme une grâce sur ce film. La lumière est
blafarde et pourtant il s'en dégage une impression de chaleur
humaine. La description presque ethnologique de l'ennui dans un
désert rural est d'une vérité criante et pourtant
rien n'est attendu chez ces personnages, l'un cite Montaigne et
a la parole facile, formidablement fleurie; l'autre est maladivement
introverti et c'est pourtant lui qui attire les filles avec son
air de chien battu mais qui a bien plus de force en lui qu'il n'y
paraît; la troisième, princesse sans jupon, échouée
en attendant qu'une marée la remporte, un rêve parfaitement
réel… Et puis il y a aussi le chien, un sacré
personnage lui aussi, un Malabar (c'est son nom) tout doux, d'une
fidélité à toute épreuve.
Ce film, c'est presque rien, et pourtant il y a tout, l'amour, l'amitié,
la mort, la déception, l'espoir, la vie qui continue. Un
humour désabusé flotte en permanence, c'est en
attendant Godot dans un pays qui pourrait être celui
des premiers
et des derniers (le bijou de Bouli Lanners), éclairé
par un soleil du sud et le sourire de Galatéa, et c'est l'éclosion
d'un acteur singulier qui pourrait devenir énorme : Raphaël
Quenard. Retenez ce nom… Il y a quelque chose de Depardieu
(jeune) chez lui. Une liberté, une arrogance, une folie…