Vous souvenez-vous de l'extraordinaire
Victoria de
Sebastian Schipper ? Un plan séquence unique de deux heures
et quelques, dans Berlin au petit matin, où l'on suivait
une jeune femme et ses rencontres de sortie de boîte…
The Chef est aussi un unique plan séquence. Un plan
séquence virtuose, comme l'était celui de Victoria.
Un début de soirée dans un restaurant gastronomique
à Londres. Si, si, il paraît qu'il y en a. Celui-ci
ne fait pas vraiment rêver, la cuisine est à moitié
dans la salle où les clients sont en train de dîner,
on se demande comment ces derniers font pour ne pas entendre ce
qui se dit entre le chef et ses cuistots, entre les serveurs et
la responsable de salle… Surtout qu'il y a des invectives,
des jurons, choses que des clients d'un très bon restaurant
ne devraient jamais être en mesure d'écouter. Le Chef
a tout un tas de soucis, familiaux et professionnels. Il y a des
contentieux entre à peu près tous les employés
du restaurant. Cela crée bien sûr des problèmes,
des petits et des gros. La soirée est un enchainement de
problèmes. Une accumulation exponentielle de problèmes.
On en voit venir certains (lorsqu'un des clients fait remarquer
que sa compagne est allergique aux fruits à coque, on peut
être sûr, absolument sûr qu'il y aura un manquement
en cuisine, qui va provoquer un drame), mais pas tous. Il y a un
stress permanent, plutôt bien rendu. Mais trop de problèmes
tuent les problèmes. Et l'issue est presque inéluctable.
Dans Victoria, il y avait des instants de grâce, des instants
suspendus, de calme absolu. Ici, aucun répit. Rien qui permette
de respirer, de reprendre un élan. Même si tous les
acteurs sont formidables, tout cela finit par être un tout
petit peu pénible.