Un documentaire signé
par un acteur français qui parle de sa famille sans jamais
y apparaître, ça ne vous fait pas penser au très
intime et bouleversant Elle
s'appelle Sabine, de Sandrine Bonnaire ? Dans ce Carré
35, le degré d'intimité est aussi très
élevé, et l'on peut penser qu'Eric Caravaca a dû
déployer des trésors de persuasion auprès des
membres de sa famille pour qu'ils acceptent d'une part de s'exprimer
et répondre aux questions face à la caméra
et d'autre part que ces témoignages soient montrés
au public. Peut-être d'ailleurs pas tous, peut-être
y en a-t-il d'autres, encore plus impudiques, qui n'ont pas été
exploités pour le film.
C'est une enquête presque policière qui nous est donnée
à voir, qui tient autant de la recherche d'indices, de preuves
matérielles concernant une sœur décédée
qu'Eric Caravaca n'a jamais connue, que d'une introspection plus
ou moins psychanalytique sur les raisons qui le poussent à
découvrir une vérité qu'on lui soustrait depuis
sa naissance.
Il y a un manque évident d'éléments cinématographiques
pour mener cette enquête : quelques films familiaux ou d'archives,
des photos, des entretiens contemporains, des plans répétés
sur les lieux de l'histoire familiale. C'est bien peu et c'est parfois
trop peu, car le récit, si intéressant et si prenant
soit-il, souffre de ce manque d'images, comblé par la voix
d'Eric Caravaca qui raconte et déroule un drôle de
film, impudique et pourtant tout en retenue, qui cherche à
créer de l'émotion sans jamais franchir la limite
du pathos, qui étale au grand jour des mensonges, des pertes
de mémoire, des contradictions flagrantes, venant de personnes
de son entourage proche. C'est troublant.