En 1982, lorsque est sorti le
premier Blade Runner censé se passer en 2019 (aujourd'hui,
en somme), les voitures volantes, les hologrammes, et surtout les
robots qui nous ressemblent, c'était pour bientôt,
disons après-demain, et 2019 ne semblait pas une échéance
impossible pour ces progrès technologiques. Ce qui allait
avec, l'ambiance sombre et pluvieuse en raison d'une dégradation
climatique, la ville ayant tout envahi, la fracture sociale plus
gouffre que faille, la mélancolie dépressive qui atteint
tout le monde, l'absence de relations amicales, tout cela était,
en 1982, un futur proche parfaitement plausible. La réalité
du présent, bien que peu reluisante sur de nombreux aspects,
est bien loin de ces noires prédictions. Ce que montre Villeneuve
d'un univers possible en 2049 reste donc de la science fiction,
finalement assez classique et correspondant à une propension
très humaine de considérer que le monde va mal et
qu'il ne peut qu'aller vers le pire. C'est aussi la vision de Philip
K. Dick, auteur du roman à l'origine du film.
Les aficionados de la version initiale de 1982 verront dans cette
nouvelle production une multitude d'erreurs, de mauvaises interprétations
et autres aberrations pour les uns, ou au contraire pour les autres,
un formidable hommage, des liaisons subtiles, des évolutions
passionnantes… Sans pouvoir totalement se couper du premier
film (mais il est tout à fait possible de visionner ce Blade
Runner 2049 sans avoir vu son ancêtre), cette œuvre
s'appréhende d'abord comme une création de Denis Villeneuve,
décidément très fort pour installer une ambiance,
un univers. Il y a bien sûr ici moins d'originalité
que dans Premier
contact, c'est tout de même une suite qui se doit
de reprendre bon nombre d'éléments du film de Ridley
Scott, mais Villeneuve est parvenu à y mettre sa patte, une
froide élégance, une douceur ambiguë, une impression
de cauchemar lent. La musique de Hans Zimmer et Benjamin Wallfisch
tisse des liens avec celle de Vangelis (le Blade Runner
de 1982) tout en apportant quelque chose de plus sombre, de plus
inquiétant, une vraie schizophrénie sonore…
Les décors, qu'ils soient intimistes ou grandioses, sont
à mi-chemin entre une réalité troublante et
une illusion déstabilisante, comme dans la très étonnante
scène du casino, mettant en scène les hologrammes
défaillants de chanteurs d'un autre âge.
Pour ce qui est du récit, la difficulté consistait
à reprendre les thèmes attendus (l'identité
des réplicants, l'humanité éventuelle des différents
personnages, les enjeux autour des infinies possibilités
physiques et intellectuelles des réplicants…) et d'introduire
de nouvelles intrigues, de nouveaux questionnements dont toutes
les réponses ne seraient pas livrées en fin de projection,
exactement comme dans le film de 1982. Pour ce qui est du foisonnement
des pistes scénaristiques, le pari est réussi, il
faut avouer qu'il y a de quoi s'y perdre, et du coup on peut avoir
l'impression que le film est soit trop long (combien sont-ils en
fin de compte, à traquer celui est au centre du récit
?) soit trop court (si on se posait un peu, pour bien différencier
les personnages… celui joué par Hiam Abbass, par exemple,
n'est que très peu développé et peut créer
de la confusion dans les cerveaux ralentis de certains spectateurs…
hum).
Blade Runner 2049, une suite utile et pertinente ? pas
tout à fait sûr, mais le film fait passer un bon moment,
c'est du grand spectacle, il fait écarquiller les yeux et
torture l'esprit. C'est toujours ça de pris. Et vous-même,
qui lisez ceci, êtes-vous bien sûrs de vos souvenirs
? Etes-vous né un jour ?