La première scène
est formidable, comme du théâtre contemporain en miniature
mais avec une trentaine de figurants. Une scène qui fonctionne
indépendamment, et qui peut inquiéter pour la suite
: serait-ce un film à sketches, comme le très inégal
"J'ai toujours
rêvé d'être un gangster" ? La présentation
des différents personnages permet un temps de le supposer,
puis peu à peu les éléments s'assemblent, non
pas par une convergence narrative (trois histoires se développent
en parallèle, sans s'emmêler), mais par une unité
de ton, par le décor, par les ruptures de registres et surtout
parce que les six personnages sont tous dans une grande solitude
au début du récit, voulue ou subie, et que les trois
rencontres font se côtoyer des individus qui n'ont, a priori,
aucune chance de se croiser, et encore moins de partager la moindre
conversation.
Ces six-là ont toutes les raisons de sombrer dans la dépression,
les lieux qu'ils hantent ont la tristesse froide et grise des films
de Roy Andersson, et leur futur est inepte, sans espoir de changements.
Les rencontres que nous découvrons changent leur vie, ponctuellement
ou de façon radicale, elles n'ont rien d'attendu, aucun romantisme
là-dedans. Les situations créées engendrent
un humour ravageur, tout en frôlant le pathétique.
Au final, le film semble très fabriqué, pas du tout
naturel dans les dialogues ni dans les façons de se comporter
mais il déclenche des émotions véritablement
inattendues.