On comprend en le voyant comment
le film s'est construit, et c'est un peu gênant : une bande
de très jeunes adultes se déplace de ville en ville,
dans un minibus : ils sont tous en rupture avec la société,
ont lâché leurs études, leurs familles, leurs
origines. Ils écoutent de la musique, essentiellement du
rap, chahutent entre eux, goûtent à une certaine liberté
de mœurs, mais sont régentés d'une main de fer
par une à peine plus vieille qu'eux tous, qui les a recrutés
pour leur probable bagout (on dirait plutôt tchatche…)
et surtout parce qu'ils viennent de nulle part et préfèrent
mille fois cette drôle de vie à celle qu'ils ont quittée.
Ils ne font pas que la fête dans leur minibus et dans les
motels pourris où ils logent, ils tentent de vendre des abonnements
à des magazines en faisant du porte à porte, à
des personnes qui n'en veulent pas, bien sûr, mais qui doivent
être touchés par ce qu'ils racontent, ce qu'ils inventent,
un concours du meilleur vendeur qui leur fera gagner un an d'études
gratuites, une enfance terrible, des parents disparus et ils n'ont
plus que cela pour s'en tirer… Qu'importe, le sujet n'est
pas vraiment là, ce n'est pas leur statut de vendeurs émotionnels
qui intéresse la réalisatrice, ce sont les relations
qui se tissent entre eux, l'esprit de groupe, l'énergie considérable
qui transpire de leurs corps, de leurs invectives. Particulièrement
de celle que l'on suit d'un bout à l'autre, qui vient d'être
recrutée et qui est amoureuse du vendeur le plus expérimenté,
protégé de la meneuse (protégé, mais
aussi protecteur, amant occasionnel…) Mais les personnages,
en dehors de cette énergie très visible, ne sont pas
creusés, et du coup ils ont un peu de peine à créer
de l'émotion. Le décor, le sujet et le contexte ne
sont pas très longs à être plantés, le
souci est que rien ne vient véritablement les bouleverser
et que le récit finit par se répéter, indéfiniment
ou presque (deux heures trois quarts, tout de même !), rythmé
par une bande son envahissante et quelques évènements
extérieurs qui pourraient donner quelques frayeurs…
mais non, la fin vient clore abruptement une histoire qui n'a pas
tout à fait commencé, et l'on quitte cet univers singulier,
certes, et plutôt bien filmé (caméra au poing,
beaucoup de rythme et de ruptures dans les enchainements, utilisation
de gros plans intéressante – on retrouve la patte de
l'auteure de l'excellent Fish
Tank) avec un certain soulagement, car tout cela ne mène
nulle part et le chemin paraît bien réduit, entre les
villas opulentes et les quartiers pauvres (oui, il n'y a pas qu'en
Europe où les différences sociales sont criantes,
mais ce n'est pas une découverte). On imagine le tournage
presque dans les mêmes conditions que l'existence de ces jeunes
(la plupart n'avaient jamais tourné), cela donne pas mal
de crédibilité à l'entreprise, mais le spectateur
reste le plus souvent au bord de la route.