Je suis parti avant la fin…
mais je crois bien n'avoir rien perdu. Au bout de dix minutes, on
se dit, tiens, belle introduction, images splendides, bande son
très étudiée, esquisses de personnages, caméra
sans cesse en mouvement, en rupture. C'est magnifique, un peu long,
un peu fatigant, mais cela va se poser et le récit va pouvoir
commencer ?
Et bien, non. L'introduction, techniquement et plastiquement superbe,
dure tout le film…. Des bribes de dialogues, même pas
d'échanges, juste des mots murmurés, qui ne permettent
pas de cerner les personnages qui restent à l'état
d'ectoplasmes, des lieux effleurés par une photo sublime,
mais absolument vide de sens. Parfois, on sent une tristesse, ou
une grande joie, ou leur contraire, à moins que ça
ne soit l'inverse… Il n'y a pas de scènes, pas d'histoire
à proprement parler.
Terrence Malick n'est pas un débutant, on connaît son
style qu'il a mis au service de vrais scénarios. Ici, le
style est plaqué sur un grand rien. Moi non plus, je ne suis
pas un spectateur débutant. J'ai vu tous ses films, j'ai
adoré "Badlands", "la ligne rouge", "les
moissons du ciel". Je crois n'avoir rien vu d'aussi beau que
"le
nouveau monde". J'avais été fort déçu
par une grande partie de "Tree
of life". Et je me permets donc de dire que cette merveille-ci
est un ratage monumental. Non, on ne sent rien dans les regards,
non les quelques morceaux de phrases entendus ne donnent pas envie
de comprendre ceux qui sont inaudibles tellement ils sont creux,
malgré toute la tension que les acteurs cherchent à
y mettre, non la splendeur des images ne fait pas rêver, oui
le mouvement perpétuel de la caméra donne la nausée,
oui l'envie de dormir est grande et on est tout de même mieux
chez soi pour fermer les yeux et penser aux maux d'amour.
Juste un espoir, que le prochain Malick renoue avec la densité
du nouveau monde, que l'on puisse à nouveau être ébloui
par son cinéma…