Le réalisateur, pour un
premier film somme toute très classique dans sa facture,
prend deux risques, qui auraient pu lui être fatals, et qui
bien au contraire ajoutent un petit supplément à cette
production très "qualité française",
retraçant la sinistre carrière d'un serial killer
français très connu, Guy George.
Le premier de ces risques tient dans l'organisation du récit,
qui entremêle l'enquête proprement dite, et le procès
qui envoie l'assassin violeur en prison à vie. Ce passage
de l'un à l'autre pourrait être très préjudiciable
à la tension qui règne dans les deux aspects de l'histoire.
La recherche policière du coupable débouche sur un
succès, le procès l'atteste, il n'y a donc plus de
suspense... mais la façon dont sont montrées toutes
les fausses pistes et les impasses dans lesquelles se fourvoient
les super flics du 36 quai des orfèvres relance sans cesse
l'intérêt porté à l'enquête. Le
travail lui même, l'évolution des méthodes d'investigation,
l'énergie ou le désespoir de ces acharnés de
la vérité, tout est intéressant, on ne s'ennuie
pas une seconde... Quant au procès, pendant lequel Guy George
plaide d'abord l'innocence, il pourrait être torpillé
par ce que l'on apprend de l'enquête, mais il n'en est rien,
il est sauvé par l'avocate jouée par Nathalie Baye,
qui pose une autre problématique : doutant énormément
de l'innocence de son client, elle cherche à sauver son identité,
à ce que sous le monstre, présenté tel quel
par les medias et le bon sens populaire, on puisse y percevoir l'homme.
Le deuxième parti pris du réalisateur, c'est sa volonté
de mettre en scène Guy George lui-même, de lui donner
une humanité, de le rendre parfois émouvant, de ne
jamais le décrire comme un sadique irrécupérable.
Les crimes ne sont montrés qu'une fois perpétrés,
on ne le voit jamais à l'œuvre, et c'est tant mieux,
cela aurait tourné au voyeurisme terriblement malsain...
Adama Niane, l'acteur qui l'interprète est vraiment très
étonnant, il compose un personnage doux et un peu inquiétant,
légèrement charismatique et parfois repoussant, sans
presque aucun effet, pas de roulement d'yeux, pas de marques de
folie, juste un individu presque ordinaire, ce qui augmente, bien
sûr, sa part de mystère...
On peut alors regretter, avec toutes ces qualités, que les
dialogues soient autant écrits, ce qui nuit souvent au naturel
des échanges. Le jeu des acteurs s'en trouve très
conventionnel, et hormis Adama Niane, tous font ce qu'on attend
d'eux, sans aucune surprise, du flic consciencieux et troublé
par les agressions parce qu'il vit lui même avec une jolie
femme (Raphaël Personnaz, un peu impersonnel) à l'avocate
humaniste malgré son apparence bourgeoise (Nathalie Baye,
curieusement sans nuances) en passant par l'équipe de policiers
, que l'on a déjà vus dans L 627 (discret hommage
au film de Tavernier en passant) ou dans Polisse,
concernés, humains, craquant parfois mais restant dignes...
Au final, une très honnête illustration de l'affaire
Guy George, plutôt prenante, factuelle mais sans âme.
Une sorte de mise en images de l'article sur Wikipedia...