C'est beau l'Australie quand tu chantes mon amour

par la Mondiale Classe Cie

Avec Fanny Vialle et Florent Vivert


Ils sont deux en scène, passablement déjantés en apparence : dégaine années 70 pas très bien digérées, des lunettes énormes, des pinces à courrier en guise de barrettes, une chemise orange terriblement orange, dans le genre panneau attention travaux. Le décor est incroyablement soigné, avec l’impression que tout a sa place malgré l’abondance : fourbi organisé, en quelque sorte.
Tout ça tient miraculeusement dans un espace extraordianirement réduit, ils doivent être capables d'installer leur scène dans votre salon, même si vous habitez une chambre de bonne au dernier étage sans ascenseur.

Mais en fait, non, pas du tout : il faut sans doute un peu plus de place pour faire rentrer une guitare, un frigo sans fond, un violoncelle, une collection de boules à facettes, un accordéon, un orgue Hammond vintage qui peut aussi servir de télé, un électrophone Teppaz, une contrebasse, sans oublier une patinoire olympique avec, je dis bien avec, ses spectateurs.
Bon, oubliez la chambre de bonne.


Et puis ces deux-là méritent mieux. Bien sûr, ils font penser à tout un tas de joyeux (ou tristes, c’est selon) allumés qui jouent sur la fausse ringardise, Shirley et Dino à leurs débuts, les Deschiens, Dominique Abel et Fiona Gordon (vous ne connaissez pas Dominique Abel et Fiona Gordon ? Iceberg, Rumba, c’est eux). Mais s’ils sont effectivement dans ce registre-là, ils apportent quelque chose d’unique, une mélancolie ineffable sous un aspect burlesque. A aucun moment ils n’oublient leurs personnages : des amoureux rêveurs aux prises avec les problèmes de couple, des artistes de cabaret de chambre qui pensent très large, des coincés qui lorsqu’ils se lâchent peuvent tout faire exploser.


Le spectacle fonctionne comme une suite de scènes bien contrastées, imprimant un rythme formidable : aux séquences de pur délire dont on voudrait qu’elles ne finissent jamais succèdent des instants de silence tendus ou des petits bijoux gracieux, comme cette chanson à la limite de la rupture, concentré de fragilité et d’intense douceur, interprété par Fanny Vialle, toute seule avec son accordéon : n’importe quel être sensible se retrouve alors dans un état proche de la crème glacée oubliée un quinze août au soleil.

Au rayon des séquences d’anthologie il y a bien sûr cette interprétation hallucinante de Sunny, avec une chorégraphie parfaitement unique, une échappée fantasmatique dans l’univers du patinage artistique, hilarante et complètement juste, une traduction mot à mot et du coup totalement décalée de Sound of silence, une scène entière tirée de Bérénice de Racine à voir et à écouter par tous ceux qui l’ont étudié ou l’étudieront au lycée : fou rire assuré !

Fanny Vialle et Florent Vivert sont issus d'une toute jeune école de clowns de Lyon, mais ils ont aussi une formation de théâtre classique en plus de leur talent de musiciens : cet éclectisme se ressent, ils ont de l'expérience et de la créativité, de la rigueur et de l'enthousiasme, un sens aigu de la scène, ils sont magnifiques.

J’ignore si c’est le cas à chaque fois, mais là où je les ai vus (au théâtre des Gavroches, à Brive, excellente programmation !), les deux comédiens sont venus se prêter au jeu des échanges informels avec les spectateurs, après le spectacle.


Moi qui suis d’un naturel un peu ours, pas très causant et parfois coincé, je me suis retrouvé à parler avec Fanny Vialle…
Et vous savez quoi ? Sous ses terribles lunettes de spectacle, se cachent des yeux clairs à tomber, un sourire illuminant, une belle âme.


Bref, vous m’avez compris, si vous entendez parler de la Mondiale Classe Compagnie, du spectacle C’est beau l’Australie quand tu chantes mon amour, courrez sans hésiter, vous passerez un de ces si jolis moments qui font le sel de la vie et pour lesquels vous ne regrettez pas de vous être donné un coup de pied au derrière pour sortir de chez vous, pour quitter votre écran…
Quelques adresses :

Le site de la compagnie

Des extraits du spectacle sur You tube

La page Myspace du spectacle, avec un extrait

D'autres extraits sur Dailymotion

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