Sur un thème qui aurait plu à Robert Altman, Emilio Estevez réalise un film très honnête, sans toutefois égaler le maître du film choral. Tous les personnages sont traités sur un plan d’égalité, cuisiniers, employés, directeur, coiffeuse, clients, jeunes mariés, vieux veufs, vedette sur le déclin... tous sauf Bobby bien sûr. C’est un tableau de la société américaine de l’époque, pas un film politique sur l’engagement du sénateur. Il y a donc des fanas de baseball, des jeunes gens qui découvrent les stupéfiants, d’autres qui tentent d’échapper à la guerre du Viêt-Nam, des vieux blasés de tout et d’autres dévorant la vie… Il y manque sans doute un ou deux affreux, aucun n’est antipathique, ce qui affadit un peu tout le monde. On y parle de l’amour, de la vie, de la mort. La mise en scène parvient à intéresser le spectateur à presque toutes ces micro-histoires, sans confusion, mais sans engendrer une véritable émotion : peut-être un peu trop classique, sans contrastes, sans tous les petits moments creux qui font souvent le charme de ce genre de film. Pourtant, les acteurs sont formidables, parfois à contre-emploi, toujours d’une grande générosité. La dernière scène, celle du meurtre suivi de la panique et du désespoir, tranche sur les autres, grâce à une caméra qui semble enfin plus libre, captant des regards, des étreintes, des brisures. Grâce aussi à la voix-off, un discours vibrant de Bobby Kennedy, plaidoyer contre la violence et la peur, toujours d’actualité, faisant passer quelques frissons.