4 mois, 3 semaines, 2 jours   **
Cristian Mungiu
sorti en août 2007
L’histoire
En Roumanie en 1987, une jeune fille cherche à interrompre une grossesse non désirée, ce qui est alors interdit. Une amie l’aide dans ses démarches.
avec
 
Anamaria Marinca
Laura Vasiliu
Vlad Ivanov
Alex Potocean
A défaut d’école roumaine de cinéma, ou de nouvelle vague venue de l’est, il y a bien du côté de Bucarest, une inspiration commune qui puise ses sujets dans la misère sociale. Entre cette hallucinante description du calvaire de deux jeunes filles pour que l’une d’elle puisse avorter, et le non moins hallucinant voyage de Dante Lazarescu vers sa mort programmée, il y a eu la révolution contre le régime de Ceausescu. Celle-ci paraît avoir apporté un indéniable progrès matériel, mais en ce qui concerne les rapports humains, rien ne semble avoir changé.
Pour parler du film de Mungiu, palme d’or à Cannes, il faut réussir à prendre un certain recul, un peu de détachement. La force profonde du film le permet difficilement.
Techniquement, c’est d’une très grande précision, cadré en CinémaScope, permettant des plans larges immobiles ou presque, d’une froideur grise oppressante, alternant avec des instants caméra à l’épaule qui donnent une impression d’urgence, d'affolement, de nervosité extrême.
Les longs plans-séquences, virtuoses, enferment le spectateur dans l’action, on ne peut qu’être happé par le récit. Le personnage d’Ottila, littéralement habité par l’actrice Anamaria Marinca, présente à l’image presque de façon continuelle, est absolument hypnotisant. On a peur comme elle, on court, on marche, on souffre comme elle, on finit par respirer comme elle. Ce personnage, fort et fragile, splendide d’obstination et de volonté, parvient à rendre le film universel, ce n’est plus seulement une histoire roumaine du temps de la dictature, c’est aussi celle d’une lutte constante et désespérée de la part d’une jeune fille à l'intérieur de la société des hommes.
Lourde, dense, marquante, 4 mois, 3 semaines, 2 jours est l’une de ces oeuvres qui vous laisse sans voix, comme anéanti. Le cinéma, lorsqu’il est porté par une telle force, a le pouvoir de changer (un peu) le monde.
Longue vie à Ottila...
Enorme
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Vos commentaires :
 
Noir, c'est noir... D'entrée, sans explication, nous faisons irruption dans la vie de deux très jeunes femmes et sommes happés par leur histoire à la manière d'un polar. Nous en ressortons lessivés, poisseux, KO. Parce qu'il traite de l'avortement (mais pas d'un point de vue moral ) et surtout  qu'il le montre dans un climat d'illégalité, le film est difficile à supporter. Mais aucun plan n'est gratuit, c'est ce qui fait sa force et sa beauté.
Sandrine D.  9 septembre  2007
 
 
Ce film ne peut pas tout à fait entrer dans le cadre de notre discussion sur le cinéma qui empêche de penser à force de violence ou de malaise. Bien que la caméra nous entraîne à la place du personnage, aux nœuds de son estomac et dans sa respiration coupée ou haletante, je ne sais
quelle réserve par d'autres moments (ces plans longs, à distance, peut-être, dans la chambre d'hôtel, dans la voiture quand elle roule) nous laisse le temps de la réflexion, nous associe à la découpe critique de la caméra,simplement parce qu'on observe, sans bouger (le début dans la chambre des deux filles, le repas chez son Jules, la dispute interrompue par la mère et qui vire au drame…). Au fond, tu vas me dire si je trompe, un peu comme dans Très bien, merci, le regard prise de vues, immobile, devient un instrument ultra-subversif quand il semble qu'il n'y ait plus de critique ni d'opposition possible à un monde écrasant, pour ne pas dire totalitaire.
Isabelle C.   12 septembre 2007