Robert De Niro signe un film dans la tradition des grandes fresques ambitieuses sur l’Amérique, réelle ou fantasmée. On pense à Coppola, Scorsese ou Sergio Leone, pour ce qui est de la volonté de traiter d’un aspect général de la culture américaine par le biais d’un récit centré sur le destin personnel d’un héros typiquement américain, cinématographiquement parlant. Il ne s’agit donc pas d’un homme ordinaire, mais d’un pionnier, décrit avec ses qualités, ses défauts, sa grandeur et sa décadence. Ici, le pionnier en question est l’un de ceux qui sont à l’origine de la CIA, née des suites de la seconde guerre mondiale.
On retrouve tout ce qui fait la qualité de ces films qui mêlent adroitement l’Histoire et le destin de quelques hommes et femmes, tour à tour acteurs influents de la vie de leur pays ou bien broyés par les événements, ou par plus puissants qu’eux. La reconstitution est impeccable, l’image ultra-léchée, la musique parfaite, le montage est accrocheur, le rythme soutenu, et les deux heures quarante passent sans ennui, malgré la quasi-absence de scènes d’action proprement dites.
Comme il s’agit d’espions qui passent leur temps à mentir, à ne pas faire ce qu’on pense qu’ils étaient censés faire croire qu’ils allaient probablement faire (...), tout n’est pas exactement limpide, certains aspects du récit échappent au spectateur très légèrement distrait, mais ces manques n’altèrent pas le plaisir que l’on prend à suivre la terrible, magnifique et lamentable histoire d’un homme qui a sacrifié sa vie privée pour des valeurs bien éloignées de l’amour et de l’amitié...
L’ensemble ne révolutionnera pas le cinéma mondial, loin de là, mais on ne peut que s’incliner devant ce savoir-faire, désespérément américain !