Voici le film français le plus intéressant du moment, où l’on voit comment notre société n’en finit plus d’être contrôlée, au mépris des valeurs humaines. Le dérapage soudain de la vie du personnage principal, à partir d’un fait en apparence anodin, est révélateur de la sensation grandissante d’une certaine perte de liberté, d’une uniformisation rampante. Ce personnage un peu bougon, individualiste et ne s’étant probablement jamais posé de questions sur son statut de citoyen, est confronté à la bêtise, à la violence policière (même si elle n’est que morale), à la dérive d’un système qu’il n’avait jusqu’alors jamais remis en cause. C’est tout à fait passionnant, parce que cette histoire n’arrive pas dans un milieu marqué socialement, qu’aucun nom de ministres ou d’acteurs de la République n’est prononcé ni même évoqué, et pourtant il s’agit d’un film éminemment politique. Une sorte de pamphlet contre la société voulue par un certain Nicolas S., mais de façon extrêmement subtile.
Beaucoup de scènes sont drôles, sur le ton de la comédie, avec deux acteurs (Gilbert Melki, puis Sandrine Kiberlain) sidérants, tellement proches de nous, et avec une multitude de nuances. Mais dans chaque scène, même au sommet de sa drôlerie, il y a une tension, une peur possible, comme si le film pouvait basculer à tout moment du côté du drame.