Il n'y a pas que le cinéma dans la vie !!!

Dom Juan

Les Femmes Savantes

de Molière

Vendredi 4 novembre 2016

 

 

Deux Molière cet automne, deux visions du théâtre radicalement opposées en apparence pour aboutir à peu près au même ressenti du côté du spectateur.

 

Dom Juan est montée par Sivadier et sa troupe, la pièce est en prose et pose des milliers de questions sur ce qu'est le désir, la relation amoureuse, mais aussi sur le refus des convenances, des croyances, de l'autorité. Elle est de toutes les époques, écrite au XVIIème siècle et bien sûr furieusement d'actualité. Construite étrangement, elle multiplie les personnages secondaires, les intrigues, a choqué lors de sa création au point que certaines scènes ont été censurées, et choque encore, même maintenant, par sa radicalité, sa soif de liberté.

 

Sivadier en fait un spectacle qui s'apparente parfois à du cirque, avec un grand renfort d'effets sonores, de lumières, n'hésite pas à rajouter quelques moments plus ou moins improvisés, mais aussi des textes ou des chansons (Sade, Brassens, Marvin Gaye...). Toutes les entrées de personnages sont formidables et donnent à espérer un dépoussiérage en règle de la façon dont on imagine le mythe. Hélas, cela ne tient pas plus d'une minute à chaque nouvelle scène. Les images sont belles, brillantes, percutantes, mais le texte est débité à la hache, en force, sans beaucoup de nuances.

 

Parfois, un mot, une expression ressort, les acteurs en font quelque chose qui donne du sens de façon très éphémère, puis replongent, on n'entend plus rien et on attend la prochaine entrée, le prochain effet, le prochain semblant de provocation. Elvire arrive avec une coiffe d'Indienne, le père se recouvre le visage de poudre blanche, Monsieur Dimanche est en costard cravate, Pierrot prend un accent de nulle part, Don Juan se retrouve à poil... on pourrait en trouver des dizaines, de ces effets parfois énormes, toujours fugitifs. Ce n'est pas qu'ils sont superflus, ils apportent leur dose de divertissement. Mais derrière, il n'y a rien. Les acteurs ne donnent pas toujours l'impression de comprendre ce qu'ils disent, on ne sent pas de direction, de parti pris sur qui sont Don Juan et tous ceux qui l'entourent. C'est assez beau, mais creux.

 

Les femmes savantes, en vers, est surtout l'occasion de retrouver sur scène deux stars, Bacri et Jaoui, entourés de quelques comédiens plus ou moins connus. C'est bien leur présence qui fait se presser le public devant une pièce dont l'universalité est bien moins évidente que pour Dom Juan ou le Misanthrope.

 

 

 

La mise en scène, signée Catherine Hiegel, est ultra classique, rien ne heurte, tout est attendu, des costumes et décors sans intérêt au phrasé respectant l'alexandrin jusqu'à en devenir une ritournelle très agaçante. Manque de temps ? Manque d'ambition ? Manque de motivation ? L'impression est celle d'assister à un spectacle de la Comédie Française d'il y a cinquante ans et ce malgré la présence de Bacri qui n'est bon que lorsqu'il se tait et gratifie le public de quelques unes de ses mimiques bien connues. Jaoui n'a aucune grâce, ne propose rien d'un tout petit peu nouveau, elle a parfois l'air de s'ennuyer… Et les autres ? Evelyne Buyle en Bélise et René Turquois en Vadius parviennent à mettre un petit grain de folie dans leur interprétation (petit tout de même, le grain). Les autres ont appris leur texte, c'est déjà ça. Ils vont au bout de leurs tirades sans jouer avec le rythme, avec les intonations, il n'y a aucun contraste, tout est balisé, triste, c'est du théâtre terne. On saisit les grandes lignes du récit mais la richesse du texte se perd dans une absence d'incarnation des personnages.

 

Les deux spectacles n'ont rien à voir l'un avec l'autre, l'un n'est que brillance et vernis cachant un vide d'intentions, l'autre est d'une balourdise désespérante, et pourtant les deux conduisent au même sentiment, l'ennui. Au moins le Dom Juan de Sivadier prend quelques risques et revêt une forme originale.