Comme
toujours, un spectacle d'Ariane Mnouchkine commence bien avant
le lever de rideau, on pourrait presque dire, disons-le, même
: il commence à la sortie du métro "Château
de Vincennes", dans la navette gratuite qui mène à
la Cartoucherie. On quitte Paris, il y a des arbres de chaque
côté de la route qui mène au théâtre,
l'ambiance dans le bus est à la fois recueillie et excitée,
on va voir un spectacle de Mnouchkine comme à une fête
à chaque fois un peu mystérieuse.
Puis le rituel d'entrée dans le bâtiment, avec Ariane
elle-même qui vous prend les billets, qui vous regarde bien
en face, plantée là, à l'entrée de
son théâtre, avec ses pompes d'adolescent, son gros
manteau, et son visage qui vieillit mais pas ses yeux, toujours
vifs, curieux, étonnés peut-être…
Ensuite, on a beau savoir, la grande salle où l'on mange,
les tables où tout le monde se côtoie, les loges
sous les gradins, cette ambiance chaude et brune à chaque
fois différente mais à chaque fois un peu semblable,
oui, on a beau savoir, ça fait quelque chose, la gorge
se noue toujours un peu. Une utopie, ce théâtre ?
Un monde protégé ? Non, c'est une idée qui
court depuis plus de quarante ans, et qui a vu naître des
spectacles fabuleux devant des salles pleines, un public ahuri
de tant d'énergie, de créativité, d'enthousiasme,
d'engagement à tous les sens du terme.