Il n'y a pas que le cinéma dans la vie !!!

Macbeth, de Shakespeare

par Ariane Mnouchkine et sa troupe, à la Cartoucherie

Samedi 31 janvier 2015

 

 

Comme toujours, un spectacle d'Ariane Mnouchkine commence bien avant le lever de rideau, on pourrait presque dire, disons-le, même : il commence à la sortie du métro "Château de Vincennes", dans la navette gratuite qui mène à la Cartoucherie. On quitte Paris, il y a des arbres de chaque côté de la route qui mène au théâtre, l'ambiance dans le bus est à la fois recueillie et excitée, on va voir un spectacle de Mnouchkine comme à une fête à chaque fois un peu mystérieuse.
Puis le rituel d'entrée dans le bâtiment, avec Ariane elle-même qui vous prend les billets, qui vous regarde bien en face, plantée là, à l'entrée de son théâtre, avec ses pompes d'adolescent, son gros manteau, et son visage qui vieillit mais pas ses yeux, toujours vifs, curieux, étonnés peut-être…
Ensuite, on a beau savoir, la grande salle où l'on mange, les tables où tout le monde se côtoie, les loges sous les gradins, cette ambiance chaude et brune à chaque fois différente mais à chaque fois un peu semblable, oui, on a beau savoir, ça fait quelque chose, la gorge se noue toujours un peu. Une utopie, ce théâtre ? Un monde protégé ? Non, c'est une idée qui court depuis plus de quarante ans, et qui a vu naître des spectacles fabuleux devant des salles pleines, un public ahuri de tant d'énergie, de créativité, d'enthousiasme, d'engagement à tous les sens du terme.

Voici donc Macbeth, "la pièce écossaise", appelée ainsi parce qu'elle est censée porter malheur à qui dit son nom. Ariane Mnouchkine et sa troupe ont installé cette histoire universelle dans un royaume d'opérette, quelque chose qui a à voir avec Wes Anderson et son "Grand Budapest hôtel", avec "le roi et l'oiseau"… une vision de la guerre et de la tyrannie à la fois sombre et dérisoire, des costumes et des décors intérieurs qui font penser aux années 30 ou bien 50, mais aussi à un futur proche absolument pas futuriste, comme dans le film "Her". Tout n'est pas exactement raccord, entre la tenue très actuelle et très banale de Lady Macbeth et les uniformes des secrétaires, longues jupes sévères qui sentent le cliché; ou bien entre les écrans de télévision ou d'ordinateurs tout à fait actuels et les fusils des soldats : même si je n'y connais rien en armes, celles-ci ne semblent absolument pas crédibles.
Mais c'est égal, tout cela fonctionne, ou à peu près, l'univers décrit se tient, de bric et de broc, soit brun sombre pour les scènes de guerre, soit en couleurs contrastées pour les intérieurs. Les changements de décors, à vue comme dans tous les spectacles de Mnouchkine, sont époustouflants, créant des images saisissantes, installant des univers à la fois gigantesques et fourmillant de détails.

 

 

Et puis, au milieu de tout cela, il y a les acteurs, qui nous racontent une histoire connue, dont on sait la fin, les meurtres, les trahisons, toutes les horreurs, le sang qui coule à flot, les actes déraisonnés, les passions humaines, le goût du pouvoir, la peur de la mort, la mort.
Et l'interprétation n'est pas très réussie, hélas. Les acteurs sont écrasés par leurs rôles, navigant à vue entre proximité et naturel d'une part et emphase et pathos d'autre part. La pièce est ardue, parfois difficile à comprendre, il n'est pas sûr que le récit soit bien compréhensible par ceux qui ne le connaissent pas, malgré la traduction qui a privilégié une langue très accessible. On n'entend pas toujours les intentions, ou bien on les entend trop, il y a du sur-jeu comme il y a du sous-jeu. Pour le portier, ça passe, parce que le rôle est drôle, assez court, finalement pas très compliqué, et l'actrice qui s'y colle y est formidable. Mais pour le reste, Macbeth lui-même, sa Lady, Malcolm, Macduff, Banquo, tous ne semblent pas avoir les épaules suffisamment solides pour porter leurs personnages dans cet espace.

 

 

On en sort un peu déçu alors, mais on peut retenir les ambiances, les changements de décors et puis ce voyage juste à côté de Paris… on y reviendra, c'est sûr, malgré tout il y a de la magie ici. Continue, Ariane, continue à faire vivre ce théâtre incroyable.