Les pièces
de Tchekhov, de par leur caractère intemporel, n'ont pas
à être dépoussiérées, il n'empêche,
la mise en scène de Lacascade pour cet Oncle Vania donne
un coup de jeune, une énergie absolument pas évidente
à la lecture seule… La balançoire, accessoire
semble-t-il indispensable à la scénographie, est
métamorphosée en un gigantesque balancier suspendu
aux cintres, qui sert autant de table toute en longueur que de
passerelle sur laquelle les acteurs prennent de la hauteur et
jouent à l'occasion les équilibristes.
L'inclusion dans le texte d'extraits d'une pièce plus ancienne,
"L'homme des bois", considérée comme une
première version de l'Oncle Vania, permet de donner au
spectacle un aspect écologiste avant l'heure, le personnage
du docteur se mettant en colère face à la gestion
des forêts. Cette étonnante prise de position est
de fait très actuelle et renvoie à de multiples
autres combats sur l'utilisation des ressources naturelles.
L'ensemble privilégie les passions dévorantes de
l'instant, amoureuses ou sociétales, à la nostalgie
amère qui semble pourtant dominer dans toute l'œuvre
de Tchekhov. L'interprétation dans ce sens est plutôt
inégale, avec des présences bien différentes.
Alain d’Haeyer, en Vania, n'en impose pas beaucoup malgré
une très belle dernière scène, accordéon
à l'appui, il paraît tout au long de la pièce
un peu terne, surtout par rapport au docteur Astrov, joué
tout en nuances par Jérôme Bidaux. Mais celle qui
impressionne le plus, c'est bien Millaray Lobos Garcia, en Sonia,
tout petit poids plume, légère, virevoltante et
intense.
Au final, un Tchekhov décapant, dont on ne décroche
jamais, qui paraîtra peut-être déroutant voire
choquant pour les spécialistes de l'auteur russe.
(Vu au
théâtre de la Ville, en mars 2014, avec un grand
merci à E. D. M. )