Sur
scène, les variations des intonations, les différences
de regards, les trous de texte que l'on comble avec quelques mots
qui font l'affaire et le public n'a rien vu, les petits plaisirs
qu'on se fait, tiens cette réplique, hier, elle n'avait pas
fait rire, et là, si… et là, cette émotion,
sur ce mot, ce battement de cils, ce frémissement, cette
peau qu'on frôle ou que l'on étreint…
Et puis toutes ces personnes, ces belles personnes qui ne se connaissaient
pas il y a un an, et ce dimanche soir, ça me fout le cafard
de ne pas les voir, de ne plus les voir, de ne plus les entendre.
On s'appelle par nos noms de personnages, on se sent chez nous dans
ce café pas terrible mais qui sert à boire et à
manger quand on sort de scène, on y refait la pièce,
et un peu le monde au passage, on s'embrasse comme du bon pain,
comme des amis de toujours, c'est incroyable le théâtre
ce que ça fait naître, la solidarité, l'impression
qu'on ne peut rien faire sans les autres et que c'est réciproque,
sur une réplique loupée, sur un geste mal venu, tout
l'effet s'écroule… Ah bien sûr, nous ne sommes
pas de grands acteurs, nous faisons selon nos moyens, mais j'ai
l'impression que tout le monde se donne, pour qu'au final ce soit
le plus beau et le plus expressif possible.