L'Opéra,
ce n'est pas comme au cinéma, et c'est pire que la peinture.
Je veux dire qu'avec la peinture, je n'y connais rien mais je vais
voir au moins une exposition par an, parfois plus… De ma vie
entière, je suis allé trois fois à l'Opéra.
C'est dire si je n'y connais vraiment rien. Et la dernière,
pas plus tard que ce dimanche, le 10 février. Quand j'y pense,
et si je fais le compte un peu rapidement, j'ai dû aller au
cinéma à peu près dix mille fois plus qu'à
l'Opéra (si, si, environ cent films par an depuis trente
ans…)
Ce spectacle-ci, j'ai la chance d'en profiter grâce à
ma sœur et son amoureux, qui avaient des places, et ne pouvaient
y aller. C'est bête, hein ? Un grand merci à eux, c'est
juste quelque chose d'exceptionnel. Ils ne se rendent pas vraiment
compte de ce que ça me fait. Du coup, j'ai proposé
au Tiquinquin (une amie musicienne), et nous voilà partis…
L'Opéra, ce n'est pas comme au cinéma, on s'habille
un peu pour y aller, on a envie d'être un peu beau, pas seulement
pour l'endroit et les conventions, mais aussi pour soi-même…
Mais bon, j'en ai vu, des spectateurs en jeans et gros pull, pfff,
tout se perd et même les traditions, ah là là,
quelle affaire…
L'Opéra, ce n'est pas comme au cinéma, il vaut mieux
connaître un peu l'histoire, pour se détacher des sur-titres
et goûter à tout, la musique, les costumes, les voix,
la profondeur de la scène, les décors, l'émotion
qui vous gagne… et puis c'est long, il fait chaud, c'est l'après-midi,
les fauteuils sont confortables, on pique donc du nez de temps à
autre, quand on reprend ses esprits c'est pas mal de savoir où
on en est…
L'Opéra, ce n'est pas comme au cinéma et au passage
on peut se demander comment est-ce possible qu'avec de tels tarifs
(oh, purée de pois, pour une place, c'est carrément
plus que mon budget de la semaine !), il y ait plus de deux mille
personnes à chaque représentation. La crise ne touche
pas tout le monde de la même façon. D'ailleurs, à
la sortie, lorsque vous tenez la porte pour celui qui est derrière,
il ne dit pas merci, il ne saisit même pas la porte pour celui
qui vient derrière, sans doute tellement habitué à
ce qu'on le serve…
Non, l'Opéra, ce n'est vraiment pas comme au cinéma.
A la fin, lorsque le rideau se ferme et que les chanteurs viennent
saluer, il y a une émotion terrible, tous ces gens investis
dans la même œuvre font dresser les poils. C'est du spectacle
total qui éveille tous les sens. On a la gorge nouée,
peut-être est-ce parce que l'on sait que l'on n'y reviendra
pas avant plusieurs années… trois messieurs juste derrière
n'avaient d'ailleurs pas la même émotion et pensaient
à voix haute et forte (dans le genre, il faut que le monde
entier sache ce que l'on dit…) juste après les applaudissements
qu'ils ne voyaient pas l'intérêt d'une telle production,
qui ne leur avait rien apporté par rapport à la précédente,
et que ceci et que cela… bande d'abrutis. Si vous n'avez pas
envie de venir, laissez-nous vos places, au Tiquinquin et moi, nous
ne saurons sans doute pas apprécier le spectacle à
sa juste valeur, mais nous en serons éblouis, émus,
comblés. Et d'ailleurs, non, gardez-les, vos places, messieurs,
peut-être à trop y aller on deviendrait comme vous,
blasés et cons à la fois (parce que beaux, non, faut
pas rêver…)