La Zone d'intérêt ***

Jonathan Glazer

L'histoire

Le commandant d’Auschwitz, Rudolf Höss, et sa femme Hedwig s’efforcent de construire une vie de rêve pour leur famille dans une maison avec jardin à côté du camp.


Avec

Christian Friedel, Sandra Hüller

Sorti

le 31 janvier 2024


La fiche allociné

 

 

La critique d'al 1

Claque monumentale

 

Pour parler des camps de la mort et de la Shoah, le cinéma a d'abord produit des documentaires (Shoah, Nuit et brouillard…), puis s'est risqué à la fiction, allant du mélodrame (La Rafle…) à la comédie, ou au moins une sorte de décalage qui montrait l'humanité au cœur de l'horreur (La vie est belle, de Benigni). Cette zone d'intérêt (appellation nazie pour désigner les terrains entourant Auschwitz) aborde le sujet sans montrer une seule image de l'intérieur du camp, ni des prisonniers. Et c'est terrifiant. Il y a cette famille modèle : le père, la mère, les enfants. Blonds, aryens, presque sympathiques si ce n'est quelques excès d'autorité des parents, et des comportements des enfants parfois étranges. On apprend très vite que le père est le commandant du camp. La maison qu'ils occupent jouxte l'innommable. Un mur, juste un mur les sépare de l'horreur toute proche. Peu à peu, on entend ce qui s'y passe. Le bruit du camp. Le ronronnement permanent des fours, les cris, les ordres. C'est lointain mais il est impossible de l'occulter. Les seules images sont les fumées, tout le reste n'est que présence sonore. Le film montre la vie de cette famille (elle a véritablement existé, ce sont les Höss) qui semble heureuse, le jardin très bien entretenu, la piscine, les invités, les petits tracas du quotidien. Ils pourraient être hantés par ce qui se passe de l'autre côté du mur, ils pourraient être perturbés par ce qu'ils entendent. Il n'en est rien. Le réalisateur installe ce dispositif (le camp invisible, la maison, le bruit de fond permanent) et c'est d'une efficacité monstrueuse, même si les images, le choix du grand angle, les couleurs pastels et froides rendent l'ensemble un peu irréel, stylisé. Le contraste entre l'au-delà du mur et l'insouciance affichée du "bon côté" est abominable. Il l'est d'autant plus qu'il renvoie à quelque chose de très actuel : la souffrance du monde, dont nous entendons parler, dont nous voyons parfois même des images, perdues dans un flot d'informations… Celles de Gaza, l'Ukraine, les réfugiés, les migrants qui se noient en Méditerranée sont saucissonnées avec le foot, les remaniements ministériels et le cancer du roi Charles… la souffrance du monde n'est plus qu'un bruit de fond, et nous, nous sommes comme dans ce jardin des Höss, nous savons, c'est à côté, nous entendons les cris comme un murmure permanent auquel nous sommes habitués. Et tout cela est tellement humain, horriblement humain. Le film est d'une force inouïe, il hante, il perturbe durablement. C'est une claque monumentale.

 

Vos commentaires pour ce film

Je suis déçue, le sujet m'intéressait beaucoup, je suis déjà allée à Auschwitz, j'aimais le roman "La mort est mon métier", un roman qui plongeait dans la psychologie de Rudolf Hoess, le grand organisateur des camps d'extermination nazis.
Mais il n'y a aucune analyse psychologique dans ce film, tout reste en surface, les personnages n'ont aucune épaisseur, l'image est lisse. Je suis déçue car les critiques m'ont fait penser qu'il y avait plus qu'une belle image froide et lisse.
Tout cela me semble un peu vain après coup.

Isabelle E-C, le 12 février 2024

 

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