Winter sleep

Nuri Bilge Ceylan

L'histoire

Aydin, comédien à la retraite, tient un petit hôtel en Anatolie centrale avec sa jeune épouse Nihal, dont il s’est éloigné sentimentalement, et sa sœur Necla qui souffre encore de son récent divorce.

Avec

Haluk Bilginer, Melisa Sözen, Demet Akbag

Sorti

le 6 août 2014


La fiche allociné

 

 

La critique d'al 1

Juste l'apparence du chef d'œuvre

 

Oh, la palme d'or, une splendeur, un chef d'œuvre, trois heures quinze de bonheur… C'est ce qu'ils disaient.
Et, trois heures quinze plus tard, il est possible d'en sortir avec quelques fourmis dans les jambes et une furieuse impression que tous ces mots, là, qui ont défilé dans le bas de l'écran, ne sont que le résultat de cerveaux certainement fort intelligents mais tellement éloignés de la vie…
Sur les trois heures quinze de projection, il y a, sans exagérer, au moins deux heures de dialogues entre les trois personnages principaux. Jamais à trois en même temps, ou si peu. Toujours par deux. L'homme et sa sœur, ou bien le même homme avec sa femme, ou bien la femme avec la sœur. Ces trois-là vivent aisément, profitant de la fortune du père décédé. Comme ils n'ont pas grand-chose à faire, ils passent leur temps à s'ennuyer et à s'invectiver. Ce qu'ils se disent n'est que rancœurs, reproches, regrets, avec la volonté d'avoir toujours le dernier mot. Et comme ils savent les manier, les mots, à chaque fois cela dure longtemps. Très longtemps. Au milieu du premier dialogue, il y a déjà de l'agacement et l'envie qu'on passe à autre chose. Alors je ne vous dis pas ce qu'on peut éprouver pour les autres… Pour rester poli, cela ressemble à de vaines et très lentes tentatives de sodomisation de mouches en plein vol et il peut arriver que l'on souhaite que Luc Besson s'empare de la caméra et fasse intervenir une héroïne pimpante et poursuivie par des myriades de gros durs à la mine patibulaire.
En dehors de ces scènes à deux où personne ne bouge (oui, assez joliment éclairées, les scènes, on a beaucoup de temps pour observer les lumières…), une intrigue assez mince s'installe peu à peu, qui fait intervenir d'autres personnages, des villageois d'une toute autre classe sociale, tentant de survivre dans des conditions difficiles. Et cette histoire est dix fois plus intéressante et bien plus prenante que les prises de tête du trio mortifère. Malheureusement, elle ne prend quantitativement que peu de place dans le récit.
On est donc réduits la plupart du temps à observer une situation enlisée depuis longtemps entre trois archétypes tchekhoviens, le maître aigri et autoritaire malgré son apparence débonnaire, la jeune femme incapable de prendre son envol et s'engluant lentement dans un immobilisme qu'elle a elle-même créé (en voyant ces deux-là se polluer l'atmosphère, on peut penser à une suite du Misanthrope, où Alceste aurait réussi à convaincre Célimène de venir avec lui dans son désert… et ils s'y emmerdent tous les deux), sans oublier la femme plus âgée, percluse non pas de rhumatismes mais de petites haines mesquines qui mises bout à bout en font un paquet moisi de tristesse grisâtre. Mais chez Tchekhov, il y a aussi, en plus, de la distance, de l'humour, de la douceur et de l'amertume mêlées, toutes choses absentes ici.
Bien sûr, tout cela reste tout de même assez élégant, outre la lumière déjà évoquée, les voix et les silences, les paysages superbes donnent au film une apparence de futur grand classique. L'apparence, c'est tout.

Vos commentaires pour ce film

C'est superbe quand on est à l'extérieur, mais qu'est-ce qu'on s'ennuie des très longues discussions en intérieur.

Kosmo, le 3 septembre 2014

 

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