C'est une histoire de haine entre
un garçon et sa mère. La haine du fils pour sa mère,
venue de loin, d'une incompréhension, d'un manque d'amour maternel
sans doute mais rien n'est moins sûr. L'installation du fossé
béant entre les deux personnages nous est montrée par
bribes, on devine, on imagine, on émet des suppositions mais
en la matière, il n'y a pas une vérité, une seule,
qui masquerait toutes les autres raisons pouvant expliquer cette relation
terrifiante.
La haine de la mère pour son fils n'est pas aussi évidente.
Elle vient en réaction à celle du fils, et elle est
intermittente. La mère aime son fils, ou au moins elle essaye,
puis elle ne peut plus.
Le récit en lui-même tarde à se mettre en place,
il oscille longtemps entre plusieurs périodes, présentées
ensemble. Le montage fait passer de l'une à l'autre, avec une
superbe élégance, pendant la première demi-heure,
puis lorsque les diverses étapes sont clairement identifiées,
la mise en scène perd un peu de sa créativité
et de sa lumineuse beauté, mais on est alors happé par
l'histoire et même si l'on pressent tout ce qui arrive, on assiste
les yeux écarquillés et l'esprit sur le qui-vive, à
l'inexorable avancée vers le cataclysme.
Film d'une force terrible, aux limites de la terreur, dépassant
clairement celles de la torture morale, cette œuvre de Lynne
Ramsay montre une nouvelle fois tout le talent de Tilda Swinton, actrice
absolument incroyable, dont on ne comprend pas comment elle n'a pas
obtenu le prix d'interprétation à Cannes au dernier
festival.