On se fait peut être des
idées sur le spectateur attiré par les super héros
américains, mais à l’issue de la projection, quelques
doutes surviennent : comment un film si noir au scénario si
compliqué, avec des personnages si complexes et une portion
congrue de scènes d’action peut-il séduire les
admirateur de Superman, Batman et autres culturistes ayant enfin trouvé
des panoplies à leur taille…
Même en étant dubitatif, et même parfois goguenard
à la vision de tous ces films pour enfants attardés,
on ne peut qu’être surpris par celui-ci : les ramifications
du récit sont en effet de l’ordre de la tragédie
chorale, avec des personnages torturés, mélancoliques,
illogiques dans leurs actions, constamment sur le fil entre le bien
et le mal… bref, de véritables humains. Ils n’ont
d’ailleurs pratiquement pas de super pouvoirs, ils ne volent
pas, ils ne voient pas à des milliers de kilomètres,
ils ne soulèvent pas des avions, ils sont justes un peu plus
forts que la moyenne, et ont ou ont eu une conscience aigue de la
sauvegarde du monde (eh oui, tout de même, ils sauvent le monde,
ce sont des super héros…). Le seul échappant à
cette condition d’humain, c’est un géant bleu,
sorte de croisement à poil entre un schtroumpf à la
silhouette de rêve et le géant vert des boîtes
de maïs : absolument risible et fondamentalement hideux. C’est
à peu près la seule faute de goût dans ce film
qui reste de haute tenue. Malheureusement, on le voit assez souvent,
et ses interventions ont tendance à gâcher l’esthétique
globale et à décrédibiliser l’histoire
qui, sans cela, poserait tout un tas de questions fort intéressantes
sur l’Humanité et son devenir. Il reste que les films
de super héros font intégralement partie de la culture
exclusivement américaine, au même titre que le baseball,
le hamburger, les motels au bord des nationales : toutes ces choses
qui colonisent doucement mais sûrement le reste du monde : est-il
encore permis de résister ?