Savoir qu'un film saoudien sort
sur les écrans, c'est à peu près comme si on
annonçait qu'une station de ski s'était ouverte aux
Pays Bas. Le cinéma n'existe pas en Arabie Saoudite. Et le
film ne sera pas vu dans son pays d'origine, puisqu'il n'y a pas
de salles de projection... Il faut souhaiter qu'il circule sous
le manteau (sous le hijab...) sous forme de DVD ou autre.
Dans un pays où les femmes sont moins bien considérées
que des meubles, il est donc surprenant, et même stupéfiant
que ce premier film saoudien de l'Histoire du cinéma soit
réalisé par une femme. La réalisatrice raconte
qu'elle a, au cours du tournage à Ryad, été
obligée de se cacher plusieurs fois, en raison de l'hostilité
de ceux qui n'acceptaient pas qu'elle puisse travailler au milieu
d'hommes.
Et bien sûr, l'histoire que le film raconte est portée
par les femmes... l'une est en devenir, toute jeune adolescente,
voulant un vélo pour être l'égale des garçons,
mais pas seulement, le vélo n'est évidemment qu'un
prétexte (pas choisi au hasard, le vélo étant
interdit aux jeunes femmes, celles-ci pouvant y perdre leur virginité...)
Ce que Wadjda recherche, c'est l'égalité entre les
sexes, la liberté pour les filles, la fin de l'asservissement
par les hommes. L'autre personnage principal est sa mère,
soumise aux traditions, trompée pas son mari en toute légalité
(la polygamie est de mise en Arabie Saoudite) et qui finit non pas
par se rebeller ouvertement, ce ne serait pas crédible, mais
par comprendre et admirer sa fille...
Le récit est assez simple, certains diront simpliste, relativement
prévisible, mais on sent une grande sincérité
dans le propos et comme le film n'a pas été tourné
dans un autre pays, tout ce qui est montré semble très
réaliste, sans caricatures. Du coup, l'ensemble est non seulement
intéressant, mais aussi émouvant. La très jeune
fille qui joue Wajdja est formidable, sa volonté, sa gouaille
et son désir de liberté emportent le spectateur.
On en ressort avec la conviction (mais peut-être l'avait-on
bien avant…) que les religions, quelles qu'elles soient, sont
terriblement enfermantes, pour les hommes comme pour les femmes.
Cependant, les deux sexes ne sont pas égaux, il n'existe
pas de religion monothéiste où le dieu unique serait
du genre féminin, c'est étrange, n'est-ce pas ? Dieu,
quelle invention formidable ! Quel instrument d'asservissement superbement
efficace ! Quelle négation de l'humanité…(oui,
je sais, je suis un mécréant intolérant)