Un vrai faussaire

Jean-Luc Leon

L'histoire

Peintre de talent et voyou, Guy Ribes, 65 ans, est le plus prolifique des faussaires recensés à ce jour ayant inondé le marché de l’art pendant 30 ans. En 2005, la police a saisi plus d’une centaine de ses « faux » et en 2010 le Tribunal de Créteil l’a condamné à trois ans de prison, dont un an ferme.

Documentaire

Sorti

le 2 mars 2016


La fiche allociné

 

 

La critique d'al 1

De l'art ou du cochon ?

 

N'est pas faussaire qui veut. Guy Ribes est d'abord un peintre de talent, capable de reproduire non pas une toile, mais un style, une technique, tout un catalogue de manières de faire. Tu veux un Chagall ? Tiens, un Chagall, avec la poussière de l'époque, et la signature plus vraie que nature. Sauf que ça n'est pas un Chagall. C'est un "à la manière de", comme on fait parfois dans les écoles. Et ce faux Chagall devient un vrai, reconnu comme tel par quelques experts dont on se demande pourquoi ils sont tant estimés.
Le talent ne suffit pas, il faut aussi une sacrée dose de roublardise et de connaissance du marché de l'art, pour écouler les fausses toiles. La roublardise en question s'accompagne d'un carnet d'adresses bien choisies : l'un pour appâter le client, l'autre pour augmenter l'estimation de la valeur, etc.
Le personnage est truculent, le réalisateur s'efface devant lui, le laissant prendre toute la place. Il y a fort peu de témoignages contradictoires, et c'est donc au spectateur de faire le tri dans tout ce que déclare le faussaire. Et si celui-ci est capable de tromper les plus grands experts de l'histoire de l'art, il doit l'être aussi pour s'arranger avec la réalité de sa vie. Ce n'est donc plus seulement un documentaire, c'est aussi, sans doute en partie, une fiction.
Du coup, l'étalage des faits est sujet à caution, et l'homme en rajoute peut-être pour paraître plus beau, moins riche. Et quelqu'un qui peint si bien ne peut pas être foncièrement mauvais, non ? L'aspect le plus intéressant, au bout du compte, n'est pas l'énorme arnaque qui fait rire un moment mais qui se révèle assez répétitive, cinématographiquement parlant. C'est ce qui se passe dans l'esprit de l'acheteur potentiel, du collectionneur richissime et berné (tant pis pour lui) à l'amateur éphémère mais sincère qui se retrouve floué pas seulement financièrement, mais aussi moralement. Cet acheteur qui pensait prendre possession d'un Chagall, ne lui fait-on pas plus de mal en lui révélant qu'il a été berné ? Guy Ribes le dit très bien lui-même : "vous ne voulez pas de mon art, je vous fais celui que vous désirez" (ou à peu près). Celui qui possède un faux Picasso mais croit qu'il est vrai est probablement bien plus heureux que celui qui apprend qu'il s'est fait berner et obtient une compensation financière. Finalement, Guy Ribes n'est qu'une sorte de faux monnayeur, mais qui peut procurer du bonheur. La vérité, ici, est toujours décevante. Heureusement que ça n'est pas le cas dans tous les domaines (l'amour, l'amitié, et autres fariboles de la relation humaine).

 

Vos commentaires pour ce film

Un bijou à ne pas rater.
Un documentaire.
Le portrait de Guy Ribes. Pendant 30 ans, il a peint des "faux" Picasso, Matisse, Chagall, Dufy, Miro, Léger, ... pas des copies mais des tableaux originaux, finalement attribués aux maitres.
Des centaines de toiles authentifiées par des experts. Avec des histoires folles, tordantes.
Un procès en 2010.On écoute des témoignages du procureur, d'experts judiciaires.
Aujourd'hui encore, des centaines de toiles peintes par lui sont dans des catalogues certifiés.
Un type incroyable, roublard, avec une gouaille venue des tontons flingueurs. Drôle, un peu menteur évidemment. Il raconte sa vie ; une vie de roman.
Un talent fou ; on le voit peindre ; une dextérité formidable avec ses paluches de bûcheron. Il explique ses techniques, les couleurs, les gestes, les astuces pour "vieillir" les toiles.
Une vraie réflexion aussi, derrière cette histoire de faussaire. Il fausse le marché de l'art, ... un marché tellement grossier de cynisme, de spéculation ; il vole les gens, mais des gens probablement tellement plus voleurs que lui ...
Une réflexion sur notre société et son absurdité.
Un bijou à ne pas rater.


Thierry D. le 7 mars 2016 (qui l'a vu bien avant le taulier du site !)


 

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