Le sujet du film est de nature
à déclencher le déchainement des glandes lacrymales,
c'est sûr. Une mère apprend que son fils est mort dans
un pays étranger, et devant la difficulté de faire
rapatrier le corps, elle décide de se rendre sur place. On
pourrait vous donner le paquet de mouchoirs avec le ticket d'entrée…
Sauf que… l'émotion ne vous prend pas exactement là
où on pourrait s'y attendre. Passée l'introduction,
avec la vie en France (le travail, la maison grise, le mari qui
n'en est plus un (l'a-t-il été un jour ?), la douleur
de l'annonce du décès, les démarches vaines
pour le rapatriement), un peu caricaturale, un peu convenue, le
véritable film commence et dès l'arrivée là-bas,
en Chine, c'est une plongée totalement dépaysante,
une découverte où l'inquiétude se mêle
à l'émerveillement. Le parti-pris du réalisateur
est de suivre cette femme, d'épouser son point de vue, de
mettre le spectateur dans la même situation qu'elle (Yolande
Moreau : un monument, une merveille d'actrice…). Et tout fonctionne
: la peur de ce qu'elle va trouver, l'étonnement devant tous
ces gens qui l'aident, avec douceur ou brusquerie, sa propre volonté
de prendre le temps qu'il faut, l'imprégnation progressive
dans ce monde qui lui est complètement étranger. Alors
bien sûr, il y a des moments de douleur attendue, des serrements
de cœur prévisibles, mais il y a aussi, et c'est finalement
là l'essentiel, tout ce qui se tisse entre la femme qui perdu
son fils et les personnes qu'elle rencontre. Ce sont des petits
riens, admirablement rendus par une mise en scène privilégiant
les entre-deux, les à-côtés, les silences, les
regards, les incompréhensions, les lumières invisibles…
Le réalisateur connaît bien ce pays, et ce qu'il nous
en montre est bien loin de nos représentations lointaines
sous forme de clichés. Le mot "voyage" du titre
est formidable, c'est bien un voyage, absolument pas touristique,
une immersion complète du corps et de l'esprit. Sans doute
très différent d'un "quinze jours en Chine tous
frais payés en hôtel confortable, avec cité
interdite et grande muraille…"