Non mais qu'est-ce que c'est
que ces voix réenregistrées en studio, et qui cassent
le naturel ? Et tous ces gens, pourquoi sont-ils si accueillants
? C'est la vraie vie, ça ? Pas un seul qui leur dise non,
je ne veux pas ma tronche sur un mur. Ou bien ils ont coupé
au montage. Tiens, le montage, parlons-en, y'a plus de saisons,
ma bonne dame, c'est pas du tout chronologique, tout ça.
Et l'un comme l'autre, toujours habillés pareil, ou à
peu près, qu'il vente, qu'il pleuve, qu'il fasse un soleil
de plomb… Et le message, hein, le message ? La campagne c'est
mieux que la ville ? Oui mais non, parce que la ville, on ne la
voit pas, pas moyen de comparer. Est artiste celui qui veut ? parce
que franchement, tu fais des petites photos marrantes, tu les imprimes
énormes et tu les colles partout, c'est pas compliqué,
non ? Si, un peu, quand même. Le lien, alors ? Le lien entre
les gens, à commencer par celui entre Agnès Varda
et JR, étonnant mais pas improbable, la preuve. Ils sont
capables de chanter la même chanson sur la route, ils n'ont
pas le même regard sur ceux qu'ils croisent mais ils s'enrichissent
de leurs différences. Ils s'enrichissent de leurs différences…
on dirait de la belle phrase citoyenne bobo bonne conscience et
belles intentions et rien derrière. Sauf que… C'est
tout le contraire de ceux qui en font des caisses question discours,
ils ne font pas de grandes phrases, eux deux. Ils passent à
l'acte, ils vont et viennent, s'installent, tirent quelques portraits,
ils échangent, ils écoutent, ils sont séduits,
ils donnent et ils repartent, quelque chose est resté là
où ils sont passés. Parfois c'est éphémère,
mais c'est toujours vivant, c'est de l'humanité en plus,
c'est rien mais c'est essentiel. Ce n'est pas juste un mur habillé
(et parfois pas qu'un mur, vous verrez), c'est une bouffée
de bonheur, un instant de douceur qui se répète et
jamais de la même façon. Les expériences sont
toutes différentes, quoi de commun entre la dernière
habitante d'une cité minière, un artiste septuagénaire
qui vit avec rien (le maximum ? ah non, ça doit être
le minimum vieillesse) et qui garde un moral inouï, une photo
souvenir collée sur une plage, j'ai bien dit sur une plage…
Quoi de commun, si ce n'est cette envie de rencontres, de célébrer
la vie, de répandre des sourires et de répondre avec
un sourire aux tracas du quotidien (pas une seule once d'agressivité
dans le dialogue avec le policier municipal qui s'interroge sur
l'autorisation nécessaire pour monter un échafaudage).
Alors oui, les voix sont réenregistrées en studio
et donnent un ton un peu étrange, un peu artificiel, mais
elles finissent par participer au charme infini de ce film qui n'est
pas tout à fait un documentaire. Une ballade, une balade,
un assemblage foutraque en apparence (en apparence, hein…),
du bienêtre diffusé dans une salle de cinéma
: tout le monde reste jusqu'au bout du bout du générique,
on en voudrait encore. C'est drôle, émouvant, triste
et nostalgique parfois (ah, cette peau de chien de JLG…),
ça devrait être remboursé par la sécu
tellement ça fait du bien. Merci à ces deux-là,
et bon vent les artistes.