Comment réussir à
ne pas ennuyer le spectateur en réalisant un film sur l'ennui
? Quatre femmes, et avec elles beaucoup d'autres on l'imagine, vivent
dans des maisons spacieuses et modernes, dans une résidence
luxueuse où tout semble glisser, les voitures, les soucis,
les sentiments, les pensées… Elles n'exercent pas d'activités
professionnelles puisque leurs maris ont des métiers passionnants
et rémunérateurs, elles se contentent de se recevoir
pour un café dans la matinée, d'aller faire des courses,
de gérer la vie domestique, de recruter des baby-sitters
ou des jeunes filles au pair et éventuellement d'avoir un
aperçu de la vraie vie, celle qui se déroule en dehors
de leur Éden, en s'activant dans le caritatif ou assimilé.
La description de tout cela pourrait donner lieu à une amusante
satire, un regard acerbe sur cette vacuité régressive…
mais la gravité prend vite le dessus car l'ennui et le mépris
affiché par les hommes créent des dommages irréparables.
Si l'on s'en tient à cet état de fait social et psychologique,
on pourrait vite passer à autre chose, de quoi se plaignent-elles,
ces privilégiées ? Si cette vie ne leur convient pas,
vraiment pas, elles n'ont qu'à revenir à des contingences
plus en accord avec la réalité de la majorité
de la population, en divorçant, en allant pointer à
Pôle Emploi, en habitant dans un deux pièces dans un
ensemble de logements sociaux… Mais si l'on parvient à
extrapoler la situation, il y a plus de profondeur qu'on ne croit
et se dire que le bonheur ou juste l'absence de malheur (soyons
modestes) ne réside pas dans les biens matériels (bien
qu'ils y contribuent, tout de même…) mais dans les relations
humaines, amicales, amoureuses, familiales. La description de cette
microsociété est glaçante et finalement atteint
son but, tout est dans le paraître et les bonnes manières,
et pourtant l'agressivité et la malveillance sont bien présentes,
à mots couverts. Sous le fard, la solitude et la mélancolie.