Cette addition sans égal(e),
est-ce encore la rencontre entre un homme et une femme, comme on
l'a déjà vue un milliard de fois au cinéma…?
D'une certaine façon, oui, c'est cela, une rencontre qu'on
pourrait dire banale, mais il n'y a jamais de banalité dans
les histoires d'amour, chacune est différente, dans la manière
de la vivre. Lelouch malgré ses tics de réalisateur,
est un expert pour filmer les rencontres, qu'elles soient amoureuses
ou amicales. Et lorsqu'il abandonne ses obsessions plus ou moins
mystiques comme dans "La belle histoire" et qu'il s'attache
à son récit comme s'il découvrait le cinéma,
il est capable de fabriquer un film d'une sincérité
plutôt époustouflante. Jamais Dujardin n'a autant été
Dujardin, et c'est ainsi qu'il est finalement le plus supportable,
lorsqu'il ne joue pas, lorsqu'il n'essaye pas d'entrer dans la peau
d'un quelconque personnage. Lelouch a sans doute, pour beaucoup,
tous les défauts du monde (certains de ses films sont des
daubes hallucinantes !), il reste un directeur d'acteurs hors normes,
parvenant à capter des expressions, un naturel, une spontanéité
qu'il est presque impossible de retrouver ailleurs, ou bien alors
chez Kéchiche, mais c'est une autre histoire…
Lelouch ne demande pas à ses acteurs de jouer un personnage
qui aurait tel ou tel trait de caractère, un métier
(d'ailleurs, Dujardin musicien, on n'y croit pas une seule seconde,
et personne ne semble y croire, pas même lui), il leur livre
quelques lignes de dialogue, se met derrière ses caméras,
et fait confiance à ce qu'il va se passer… ensuite
on ne distingue plus à l'écran ce qui est écrit
de ce qui est improvisé, ce sont des vrais morceaux de vie,
et en même temps, pas tout à fait : cela reste du cinéma,
pas de la télé-réalité, il est possible
de rêver en voyant certaines des scènes. Cette alchimie,
ces petits miracles répétés, c'est cela qui
fait le cinéma de Lelouch, bien plus que les caméras
embarquées dans des voitures, les prises de vue tournoyantes
ou les scénarios alambiqués…
On peut ressentir quelques agacements à la vision de ce film,
mais c'est au final le plaisir qui l'emporte, un plaisir comparable
à celui d'un enfant qui va pour la première fois au
cinéma et se laisse emporter par quelque chose qui le dépasse.