Le prologue est grave et lors des toutes premières minutes,
on peut douter : est-ce bien là une comédie ?
Mais très vite les personnages se précisent, d’abord
simples esquisses un peu théoriques, puis au fur et à
mesure les détails affinent le trait, les rendent humains,
proches, pleins de qualités et de défauts, drôles,
émouvants, contrastés.
Dès lors, le film trouve son rythme, avec plusieurs angles
de vision possibles.
La base sur laquelle toute l’histoire repose, est la dénonciation
des malversations de très grandes entreprises qui parviennent
à leurs fins (faire un maximum de bénéfices)
sans aucun sens moral. L’attaque est réelle, mais un
peu légère, avec probablement quelques contre-vérités,
mais cela n’a pas, au fond, énormément d’importance.
La colonne vertébrale du récit se situe au niveau de
l’enquête que les quatre apprentis espions mènent
au sein de l’entreprise coupable, formidable prétexte
à une kyrielle de très jolies scènes de comédie,
d’abord pour se faire embaucher par les multiples sous-traitants
(réalité économique bien vue), puis pour approcher
les personnes détentrices des dossiers secrets qui leur permettraient
de faire éclater l’affaire. Au fur et à mesure
de l’avancée de leur enquête, de la prise de risque
accrue, on est captivé par cette sorte de mission impossible
pour Monsieur Tout Le Monde, on a peur pour eux (et notre peur est
délicieuse, comme dans les grandes comédies américaines,
de Capra à Lubitsch), on est étonné de leur culot
et de leur inventivité, et en même temps rien ne paraît
irréel, il n’y a pas d’hélicoptère,
pas de technologies high-tech, rien que du détournement d’actions
quotidiennes.
L’intérêt que l’on porte aux aventures de
cette nouvelle bande des quatre serait bien moindre si dans le même
temps, Jolivet n’avait pris soin de nous attacher aux personnages,
en nous révélant leurs fêlures, en ouvrant bien
grand le champ des sentiments, en évitant tout de même
la comédie romantique !
Kevin, Zak, Denis et Mélanie nous sont proches, nous ressemblent,
ils pourraient être des amis et l’une des forces du film,
c’est de les faire se découvrir les uns les autres en
même temps que le spectateur fait leur connaissance, les points
de vue sont multiples, personne ne tire la couverture à soi,
et même s’il n’y a pas d’énorme surprise,
l’évolution de leurs rapports est aussi très prenante,
parfois autant que leur enquête.
Le récit entremêle ces trois axes, constat économique
et social, comédie d’espionnage, mélodie des sentiments,
sans jamais se perdre. Le montage est précis, nerveux, rythmé,
l’histoire ne s’attarde pas, les quelques ellipses sont
toujours les bienvenues.
Voici donc une très bonne comédie qu’on dit sociale,
mais qui assurément, déborde de ce seul cadre. Un joli
petit bonheur !