Traviata et nous **

Philippe Béziat

L'histoire

Printemps 2011, Jean-François Sivadier met en scène La Traviata, à Aix en Provence, sous la direction de Louis Langrée. Natalie Dessay est Violetta. Pendant deux mois, des salles de répétitions aux coulisses du Théâtre de l’Archevêché, une équipe de cinéma a suivi leur travail au plus près.


Documentaire, avec

Natalie Dessay, Jean-François Sivadier, Louis Langrée

Sorti

le 24 octobre 2012


La fiche allociné

 

 

La critique d'al 1

Bijou !

 

C'est un petit miracle d'équilibre, de justesse, d'intelligence, d'émotions… Dès les premières images, on sait. Philippe Béziat a trouvé comment filmer, monter et au final rendre compte d'un travail extraordinaire.
Dans ces répétitions, il y a les personnage principaux, et les secondaires, comme pour une fiction. Jean-François Sivadier est le metteur en scène, qu'on ne voit jamais en colère, ni péremptoire, à l'écoute des chanteurs et des autres, parlant un anglais effroyable avec les choristes et, avec les autres et en français, exposant ses idées comme on cherche à comprendre les enjeux des rapports humains qui font le drame de cet opéra. Il pose beaucoup de questions, aux chanteurs et à lui-même, il a cet enthousiasme qui emporte, indispensable pour tout metteur en scène, mais ne verse jamais dans l'hystérie. Parfois dubitatif, silencieux alors, il revient avec une autre question, c'est impossible de ne pas penser qu'il n'y a pas de plus beau métier que celui-ci : mettre en scène les passions humaines et faire en sorte qu'elles restent un jeu et qu'elles touchent le public. Pas d'affèteries, pas d'extravagances inutiles dans ses indications, toujours la recherche de la justesse, en s'interrogeant du pourquoi et du comment de chaque réplique… "E strano…" prend un sens inouï…
En face de lui, sous les feux et dans l'échange, Natalie Dessay porte sur son visage les années qui passent. Elle n'est plus la jeune soprano capable de jouer tout le répertoire… Sa Traviata a de l'expérience et de la profondeur mais aussi une énergie farouche. Sur la scène, elle paraît toute petite, menue et fragile. Elle écoute, parle peu, propose une manière de jouer, revient en arrière; elle est toujours incroyablement juste dans son attitude, elle joue sans donner l'impression qu'elle joue, elle est actrice, pleinement. La chant est en elle, il paraît tellement facile qu'on oublie que ses répliques sont des mélodies, des vocalises virtuoses, on ne sait plus si l'émotion ressentie vient de la pureté des notes ou de l'intensité du regard, tout se mélange, l'opéra est un spectacle total, Natalie Dessay en est l'incarnation.
Autour de ces deux géants (mais ô combien humains), naviguent des personnages eux aussi filmés en plein travail, dans l'énergie, dans l'enthousiasme, dans la recherche du sens et de la densité, qu'ils soient chef d'orchestre, chanteurs, instrumentistes, éclairagistes, répétitrice au piano.
Les caméras qui filment ces instants magiques se font discrètes, elles rendent compte, s'attardent sur un visage mais à aucun moment ne semblent gêner ceux qui travaillent.
Le montage est basé sur une idée simple, suivre l'opéra, de l'ouverture au final, et non pas la chronologie de la préparation du spectacle. Cela permet de suivre l'histoire (même si elle est archi connue) et de voir comment une même scène évolue avec le travail.
Et puis parfois, comme pour respirer, pour permettre au spectateur de rêver et d'imaginer lui aussi "sa" Traviata, l'image est décalée du son. On voit les acteurs et le metteur en scène continuer à échanger et on entend la musique, le chant…
Petit bijou d'intelligence, ce documentaire donne du bonheur, attention, il peut faire pleurer de joie…


Vu avec neuf mois de retard, en séance unique au Reflet Médicis…

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